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Illumina

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28 mai 2008

Art of Life de X-Japan (1993)

Art_of_Life

C’est un fait avéré, je n'aime pas parler de ce dont parlent les autres, et encore davantage quand je ne maîtrise pas suffisamment mon sujet. Je ne parle donc jamais de mes goûts musicaux parce que je suis totalement incapable de construire la moindre argumentation : j’aime tel groupe, j’aime tel morceau ou j’aime pas, c’est à peu près tout. Ma culture musicale est assez limitée d'ailleurs. Pourtant, j’ai récemment découvert un morceau qui m’a tellement bouleversé que je me suis senti obligé d’en parler, d'en faire un coup de cœur. Je sortais d’une période où j’écoutais assidûment l’Arc~En~Ciel, groupe de rock japonais, période qui s’est royalement conclue par l’inoubliable concert au Zénith dont je garderais un souvenir impérissable. Ce concert était grandiose.

Petit à petit, je me suis intéressé de nouveau à la musique japonaise et je suis revenu à l’un des premiers groupes que j’ai découvert dans ma jeunesse, X-Japan. Je n’ai jamais été un fan absolu de X-Japan : je me souviens que c’était le groupe qui interprétait la musique du fameux clip de X, un clip mythique a une époque, d'autant plus que j'aimais beaucoup le manga en question et globalement, les œuvres de Clamp à cette période. C'est pour cela qu'il m'arrivait parfois de reproduire le signe en forme de croix avec les bras en beuglant « Eks !!! ». Sorte de signe de geekitude / otakuisme avant l’heure du temps des premières conventions…

X-Japan, c’était aussi le groupe dont l’un des membres s’était suicidé. Mais ma connaissance se limitait à cela et à partir du moment où j'ai commencé à en attendre parler, je savais que c'était un groupe mythique, mais leur carrière était déjà terminée. C'est pour cette raison que même si j'apprécie beaucoup le groupe, je ne peux pas être considéré comme un fanboy... Pourtant...

Logo

Le dernier clip de X-Japan, I.V. qui passe actuellement sur No Life, la chaine des geeks, m’a donné envie de m’intéresser de nouveau à ce groupe. J’ai donc parcouru un peu leur histoire et plus j’en lisais des résumés, plus j’étais envahit par la tristesse. L’histoire de X-Japan est belle et triste, surtout la séparation et le dernier concert, The Last Live, qui m’a réellement ému… On y voit Yoshiki, le batteur pleurer et enlacer Toshi, son ami d’enfance. On y voit le guitariste, hide, profondément ému, quelques mois avant son triste décès. Savoir que l’on joue son dernier concert procure des sentiments indescriptibles et ces sentiments se ressentent complètement dans ce dernier concert.

D’autant plus touchant que la mort de hide, peu de temps après, scelle définitivement le destin de ce groupe hors du commun, qui a eu une influence immense sur la scène du rock japonais, véritable ambassadeur du style Visual Kei aux looks complètement psychéliques. A ce jour, j'ignore si la mort de hide est un suicide ou d'un accident, et finalement peu importe... hide a quitté la vie prématurément et c'était assurément une grande perte pour le rock japonais (il suffit d'écouter quelques uns de ces albums solo pour en être définitivement assuré). Son look tellement improbable (palmier rouge sur la tête), mais la qualité de sa guitare, de ses compositions, de sa prestance sur scène laissent songeur...

hide__1_ hide__2_ hide__3_ hide__4_
(Hideto Matsumoto aka hide, guitare)

En regardant, les albums disponibles sur mon disque dur, je parcours les différents répertoires, et l’un d’entre eux m’interpelle. Il s’agit de l’album Art of Life, qui ne comprend qu’un seul et unique morceau. Je me suis dis que mon album était incomplet, jusqu’au moment où, incrédule, je lance le morceau et constate son impressionnante durée de 34 minutes. Je connaissais quelques morceaux bien longs, comme Freebird de Lynyrd Skynyrd et son interminable solo, Stairway to Heaven de Led Zeppelin ou encore Bohemian Rhapsody de Queen. Quoiqu’il en soit, je décide donc de me lancer dans l’écouter de ce mastodonte musical.

Et je prends l’une des claques de ma vie. J’accroche immédiatement et je sens rapidement que je suis en train d’écouter un morceau d’anthologie. Il est clair que ce n’est peut-être pas un chef d’œuvre comme le prétendent certains fans, mais putain, qu’est-ce que ça déchire ! Le piano de Yoshiki est juste impressionnant, le rythme est extra, les solos de guitare ont la pêche et la voix de Toshi, si particulière, fait ici merveille. C’est juste magnifique, c’est rapide, puissance, et ça dégage une émotion juste incroyable. La construction reprend sans cesse le même thème sous de multiples variations, tout semble parfait. J’adore particulièrement les passages solo de hide, acclamé par la foule en délire.

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(Toshimitsu Deyama aka Toshi, chant)

Jusqu’à ce que tout s’éteigne à la moitié de la 15ème minute où démarre un énorme solo de Piano de Yoshiki, qui commence simplement, et qui monte progressivement avec les mêmes accords de plus en plus complexes et un chaos provoqué par les fausses notes, qui deviennent de plus en plus fréquentes. Le tout dans une durée de 8 minutes. Sans tomber dans l’intellectualisation, il faut avouer que l’on ne comprend pas forcément le sens de ces fausses notes au début. Pourtant, même ses fausses notes sont placées méticuleusement et selon la propre recherche esthétique voulue par Yoshiki. Rien d’étonnant lorsqu’on apprend que Yoshiki a passé 4 années à élaborer ce morceau, à sans cesser le modifier, l’améliorer. Il est clair que le solo de Piano tranche radicalement avec le reste de la chanson et il finit d’ailleurs par laisser sa place comme s’il n’avait même pas existé. Pourtant, il fait parti intégrante de l'œuvre et la moindre note en est indissociable.

Yoshiki__1_ Yoshiki__2_ Yoshiki__3_ Yoshiki__4_
(Yoshiki Hayashi aka Yoshiki, piano et batterie)

Après plusieurs écoutes, je commence à comprendre les paroles et je décide de regarder la version live. Ce morceau n’a été joué que deux fois dans son intégralité, ce qui continue d’affirmer son aspect unique et mythique, dans un sens. Il a été joué une dernière fois lors de la reconstitution du groupe mais Yoshiki s’est effondré au cours de la prestation. Et lorsqu’on voit sa performance en live, on comprend son épuisement : véritable maître d’œuvre, Yoshiki donne tout à la batterie, comme au piano et sa maîtrise est telle qu’il dépasse de nombreux musiciens spécialisées dans ces deux instruments. Les autres ne sont pas en reste avec un hide qui dégage une aura et qui joue ses solos techniques avec calme et virtuosité (son palmier rouge sur la tête a une certaine classe). D’ailleurs, il suffit d’entendre les réactions du public lors des solos de hide pour comprendre à quel point il était important pour le groupe. Quoiqu’il en soit, tous les membres du groupe sont vraiment impressionnants et donnent à cette prestation une puissance unique.

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(Hiroshi Morie aka Heath, basse)

Ce morceau, Art of Life, m’a procuré une émotion unique et indescriptible. Encore davantage lorsqu’on connaît le destin du groupe. Je l’écoute régulièrement dans son intégralité sans jamais ressentir la moindre lassitude. C’est une chanson qui emporte loin, très loin. Je n’aime pas la comparer à une autre chanson existante, même pour légitimer son caractère légendaire. Je préfère me dire que c’est une performance unique. Et j’espère pouvoir assister à un live de ce magnifique morceau, peut-être le 5 Juillet 2008.

Pata__1_ Pata__2_ Pata__3_ Pata__4_

(Tomoaki Ishizuka aka Pata, guitare)

Une symphonie de rock qui aborde, développe des conflits et les résous dans une structure époustouflante. Une chanson dans laquelle on entre de toute sa personne et on ne ressors pas indemne. C’est chanson complètement folle.

J’ai beau adorer certains groupes japonais, force est de reconnaître qu’aucun n’a produit une œuvre aussi puissance qu’Art of Life. C’est l'héritage le plus important laissé par X-Japan et l’ultime preuve qu’il s’agit d’un groupe de classe internationale qui mérite d’être cité dans les annales du rock. A noter que la version live fait 34 minutes alors que la version studio n'en fait que 29.

La première partie de Art of Life sur Daily Motion

La seconde partie de Art of Life sur Daily Motion

La troisième partie de Art of Life sur Daily Motion

 


X_Japan__1_

X_Japan__2_

X_Japan__3_

Desert Rose
Why do you live alone
If you are sad
I'll make you leave this life
Are you white, blue or bloody red
All I can see is drowning in cold grey sand

The winds of time
You knock me to the ground
I'm dying of thirst
I wanna run away
I don't know how to set me free to live
My mind cries out feeling pain

I've been roaming to find myself
How long have I been feeling endless hurt
Falling down, rain flows into my heart
In the pain I'm waiting for you
Can't go back
No place to go back to
Life is lost, Flowers fall
If it's all dreams
Now wake me up
If it's all real
Just kill me

I'm making the wall inside my heart
I don't wanna let my emotions get out
It scares me to look at the world
Don't want to find myself lost in your eyes
I tried to drown my past in grey
I never wanna feel more pain
Ran away from you without saying any words
What I don't wanna lose is love

Through my eyes
Time goes by like tears
My emotion's losing the color of life
Kill my heart
Release all my pain
I'm shouting out loud
Insanity takes hold over me

Turning away from the wall
Nothing I can see
The scream deep inside
reflecting another person in my heart
He calls me from within
"All existence you see before you
must be wiped out :
Dream, Reality, Memories,
and Yourself"

I begin to lose control of myself
My lust is so blind, destroys my mind
Nobody can stop my turning to madness
No matter how you try to hold me in your heart
Why do you wanna raise these walls
I don't know the meaning of hatred
My brain gets blown away hearing words of lies
I only want to hold your love

Stab the dolls filled with hate
Wash yourself with their blood
Drive into the raging current of time
Swing your murderous weapon into the belly
"the earth"
Shout and start creating confusion
Shed your blood for pleasure
And what? For love?
What am I supposed to do?

I believe in the madness called "Now"
Past and future prison my heart
Time is blind
But I wanna trace my love
on the wall of time, over pain in my heart
Art of life
Insane blade stabbing dreams
Try to break all truth now
But I can't heal this broken heart in pain
Cannot start to live, Cannot end my life
Keep on crying

Close my eyes
Time breathes I can hear
All love and sadness
melt in my heart


Dry my tears
Wipe my bloody face
I wanna feel me living my life
outside my walls

You can't draw a picture of yesterday, so
You're painting your heart with your blood
You can't say "No"
Only turning the wheel of time
with a rope around your neck
You build a wall of morality and take a breath
from between the bricks
You make up imaginary enemies and are chased by them
You're trying to commit suicide
You're satisfied with your prologue
Now you're painting your first chapter black
You are putting the scraps of life together
and trying to make an asylum for yourself
You're hitting a bell at the edge of the stage
and
You are trying to kill me

I believe in the madness called "Now"
Time goes flowing, breaking my heart
Wanna live
Can't let my heart kill myself
Still I haven't found what I'm looking for
Art of life
I try to stop myself
But my heart goes to destroy the truth
Tell me why
I want the meaning of my life
Do I try to live, Do I try to love
in my dream

I'm breaking the wall inside my heart
I just wanna let my emotions get out
Nobody can stop
I'm running to freedom
No matter how you try to hold me in your world
Like a doll carried by the flow of time
I sacrificed the present moment for the future
I was in chains of memory half-blinded
Losing my heart, walking in the sea of dreams

Close my eyes
Rose breathes I can hear
All love and sadness melt in my heart
Dry my tears
Wipe my bloody face
I wanna feel me living my life
outside my mind

Dreams can make me mad
I can't leave my dream
I can't stop myself
Don't know what I am
What lies are truth?
What truths are lies?

I believe in the madness called "Now"
Time goes flowing, breaking my heart
Wanna live
Can't let my heart kill myself
Still I haven't found what I'm looking for
Art of life
I try to stop myself
But my heart goes to destroy the truth
Tell me why
I want the meaning of my life
Do I try to live? Do I try to love?

Art of life
An Eternal Bleeding heart
You never wanna breathe your last
Wanna live
Can't let my heart kill myself
Still I'm feeling for
A Rose is breathing love
in my life

Art_of_Life

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23 janvier 2008

Jeanne d'Arc de Level-5 (2006)

Les petits de gars de chez Level-5 sont décidemment très forts. Après avoir brillamment transposé l’univers de Dragon Quest à la 3D, le studio japonais a ensuite réalisé son propre RPG, Rogue Galaxy, et poursuit son petit bonhomme de chemin avec une incroyable constance dans la qualité. Ils se sont attaqués à la DS avec Professor Layton dans un tout autre genre et ce fut une belle réussite, aussi bien dans la critique qu’en terme de ventes, puisqu’il s’agit tout simplement de l’un des plus gros cartons de la DS du côté des éditeurs tiers. Même chemin avec la PSP où le studio a une nouvelle fois prouvé son talent, dans le domaine du Tactical-RPG cette fois, avec Jeanne d’Arc.

Jeanne_d_Arc__1_ Jeanne_d_Arc__2_ Jeanne_d_Arc__3_

Jeanne d’Arc est le septième jeu du studio et officie dans le petit monde du Tactical-RPG, dominé par des références comme Fire Emblem, Tactics Ogre ou Final Fantasy Tactics. Un genre particulièrement apprécié où les références en la matière sont nombreuses, mais pas toujours très fraîches (S.O.S : recherche désespérément les sagas Tactics Ogre et Shining Force pour de nouveaux épisodes).

Jeanne d’Arc nous raconte l’histoire de France dans une version librement adaptée où les anglais sont les méchants mais ce n’est pas de leur faute, ils sont contrôlés par des créatures étranges et n’hésitent pas à s’allier à des squelettes, zombies, et toutes sortes de bestioles malfaisantes. C’est aux commandes de la Pucelle (ou la « Poucelle » avec l’accent américain) qu’il faudra prévenir les plus hautes autorités du royaume de France et mener une campagne pour débouter l’envahisseur anglo-saxon, responsable de la destruction de votre village natale (un grand classique). Voilà pour ce qui est du contexte. Comme d’habitude dans toutes les productions japonaises, ne vous attendez pas à une aventure historique mais à une adaptation très libre qui reprend les éléments importants du contexte pour développer son propre scénario. D’ailleurs les retournements de situations sont courants et parfois surprenants, d’autant qu’ils impliquent souvent l’arrivée ou le départ d’un personnage important de l’équipe (aie, aie, aie).

Représenté en 3D assez rudimentaire mais travaillées, les champs de bataille de Jeanne d’Arc sont d’une visibilité à toute épreuve. Le damier est d’une clarté digne d’un jeu d’échec et les petites élévations ou éléments de décors ne gênent en rien le champ de vision. Au pire, il reste la possibilité de déplacer librement l’angle de la caméra avec une souplesse peu courante puisqu’on peut carrément se placer en vue de haut. Un premier bon point, surtout quand on a retouché à Final Fantasy Tactics et à ces maudits arbres qui entravent la lisibilité. Dans Jeanne d’Arc, il n’y a tout simplement pas d’arbres. C’est typiquement ce genre de détails qui montrent que les concepteurs ont bien retenus les inconvénients des autres jeux.

Les champs de bataille permettent à plusieurs personnages de s’affronter, un nombre qui se situe aux alentours de la dizaine pour les ennemis et entre cinq et sept pour l’équipe, en règle générale. Le nombre de personnages qu’il est possible de placer dépend intégralement des missions et il n’est pas rare d’avoir des personnages imposés. Si ces derniers peuvent être embêtants, il faut garder en tête que le nombre de personnage dans les batailles est croissant et que vous aurez besoin de développer de nombreux personnages, surtout que vos alliés les plus précieux ont souvent l’occasion d’aller voir ailleurs. Cela fait hurler au scandale les premiers temps mais on doit s’y faire et finalement, plus on avance, plus on est content d’avoir monté plusieurs personnages en parallèle.

Les différentes batailles sont structurées clairement : il y a les missions de scénario et les « Free Stage », que l’on peut choisir en se déplaçant sur la carte de France, qui se découvre progressivement (malgré quelques errances géographiques que l'on peut pardonner). Visuellement, Jeanne d’Arc est simple quand on y regarde de près mais toujours très joli en vue d’ensemble. Le design des personnages et leurs grosses têtes peuvent parfois choquer, surtout pour les moins gâtés, mais l’ensemble est plutôt fin et très agréable. Les effets spéciaux sont plutôt sympathiques et ponctuent bien les différentes attaques.

Au niveau du système de jeu, Jeanne d’Arc reprend les canons du genre : il s’agit d’un pur tour par tour, équipe par équipe, à l’opposé des titres comme Final Fantasy Tactics avec un tour par tour mélangés en fonction d’une vitesse d’action. Du coup, les stratégies sont totalement différentes et la prudence s’impose car il faut que chaque personnage puisse résister à toutes les attaques du camp adverse. Le placement sur le champ de bataille n’est pas très pratique puisque l’on choisit d’abord la case, puis le personnage à placer, contrairement aux autres jeux du genre où l’on choisit le personnage puis l’endroit pour le placer. C’est l’une des rares fautes de goûts de l’interface, qui est globalement très bien faite.

Jeanne_d_Arc__4_ Jeanne_d_Arc__5_ Jeanne_d_Arc__6_

Outre la notion de placement par rapport à la cible, à savoir que l’on a plus de chance de toucher et que l’on fait plus de dégâts quand on est placé sur le côté ou mieux dans le dos de la cible, ce sont les éléments originaux du système de combat qui retiennent l’attention dans Jeanne d’Arc.

Le premier d’entre eux est la possibilité pour certains protagonistes de se transformer.  Cette super compétence a un usage limité : une seule fois par combat (du moins au début) et en général pendant seulement deux tours. Les pouvoirs obtenus dans ces transformations sont tellement puissants qu’ils placent cet élément de gameplay au cœur de toute stratégie dans les combats. Outre une nouvelle attaque supplémentaire (souvent dévastatrice), vous êtes totalement soigné de vos blessures et surtout vous bénéficiez d’un talent extraordinaire appelé « Godspeed » qui vous permet de jouer un tour de jeu supplémentaire quand vous tuez un adversaire. Evidemment, cette démesure met totalement en valeur les personnages à transformation, dont l’héroïne, car ils peuvent affronter et tuer les boss rapidement et surtout, faire le ménage complet sur la carte en un seul tour de jeu. Les stratégies se résument souvent à affaiblir les ennemis à distance puis à les finir au corps à corps, bénéficier d’un « Godspeed », se redéplacer et en attaquer un autre. A noter qu’il n’est pas possible de se déplacer après avoir effectué une action, contrairement à de nombreux jeux du genre.

Le second élément central de la stratégie dans les combats résident dans une autre nouveauté, les « Burning Aura ».  Quand vous infligez des dégâts au corps à corps, une aura apparaît dans le dos de votre cible et un personnage placé dans une aura bénéficie d'un sérieux bonus de dégâts. En mettant cet élément en corrélation avec le fameux « Godspeed », vous aurez une bonne idée des tactiques possibles dans les combats pour optimiser ses attaques. Avec deux éléments originaux, Level-5 est parvenu à créer un système de jeu novateur qui offre des stratégies qui changent des autres jeux, une aubaine pour les vétérans du genre. Dernier petit élément, le « Unified Guard » qui permet de subir moins de dégâts avec des alliés proches. Un système sympa mais moins critique que les deux autres évoqués plus haut.

La difficulté n’est pas très élevée, bien que les débuts puissent être délicats car les personnages meurent avec peu d’attaques. L’IA n’est pas aussi impitoyable que dans un Final Fantasy Tactics ou un Fire Emblem, pourtant le jeu ne tombe pas dans le trop facile. Il se maintient à un niveau de difficulté correct, qui met fortement en valeur le leveling. Comme dans beaucoup de MMORPG, les chances de toucher et les dégâts dépendent du différentiel de niveau entre votre personnage et sa cible. La progression est d’ailleurs très agréable, on prend des niveaux régulièrement, les surplus de gain d’expérience sont conservés et l’on peut décrocher le pactole quand on tue un adversaire de niveau largement plus élevé. Ainsi, lors d’une mission annexe, j’ai pu gagner trois ou quatre niveaux pour un personnage d’un seul coup. Et mine de rien, vu le nombre de personnages à monter, ce genre de confort est vraiment appréciable et constitue un bon choix de design, là où de nombreux jeux auraient proscrit ce genre d’exploitation de mécanisme. Petit bémol pour l'IA vraiment faiblarde et surtout pour le fait que les ennemis n'agissent pas tant qu'ils n'ont pas un adversaire dans leur champ de vision, curiosité exploitable avec des attaques de longues portées comme "Sky Dart" (on peut infliger des dégâts aux ennemis et ils ne réagissent pas).

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Dans les premières heures de jeu, le développement des personnages se révèle un poil décevant. On prend des niveaux régulièrement et c’est bien, mais les objets sont peu nombreux et mettent beaucoup de temps à se renouveler. Du coup, la première impression n’est pas forcément très bonne car on refait les batailles pour gagner des niveaux et on ne change d’équipement qu’au gré de l’avancée dans le scénario. Il y a bien des pierres de compétences (« Skill Stones ») mais les emplacements sont peu nombreux. A ce moment, j’ai commencé à prendre peur car je n’ai pas ressenti la grande richesse qui est l’un des points forts de Final Fantasy Tactics, ma référence du genre où il y a toujours une manière de progresser à tout moment, que ce soit grâce aux équipements (à voler) ou en faisant progresser les classes de personnages pour bénéficier de nouveaux pouvoirs. De plus, les différences entre les personnages ne sont pas flagrantes, ils utilisent des armes différentes mais peuvent tous faire de la magie. Bref, les premières heures laissent en proie à d’horribles doutes sur la quantité du contenu, qui pourrait largement affaiblir le développement des personnages si crucial pour ce genre de jeu (mais qui peuvent être contrebalancés par d’autres systèmes comme le montre la série des Fire Emblem).

Mais Jeanne d’Arc cache bien son jeu, après quelques missions, on découvre que l’on peut gagner des emplacements supplémentaires pour les compétences, que certaines sont terriblement efficaces, que l’on peut dénicher des armes spéciales dans les « Free-Stage » et surtout que l’on peut mixer à loisir les pierres pour en obtenir de nouvelles. Et voilà exactement la possibilité d’expérimentation et de personnalisation qui manquait jusque là. Rapidement essentielle, cette phase de jeu offre l’accès à de très nombreuses compétences supplémentaires qui renforcent considérablement le potentiel des personnages. On y trouve des compétences divisées en quatre catégories : des compétences actives (des coups spéciaux), des compétences passives, des sortilèges et des gains de caractéristiques. Et là, c’est la fête car les actives et passives sont limités à certaines armes, ce qui crée enfin une véritable distinction de classe de personnages. C’est uniquement par le biais du système de combinaison de compétence que l’on découvre tout le potentiel d’une classe.

On trouve donc les épéistes, spécialisés dans le combat corps à corps avec de nombreux coups spéciaux permettant de toucher une zone et la capacité de contrer, les lanciers qui peuvent toucher deux panels, qui ne s’exposent pas aux contres-attaques, qui peuvent toucher plusieurs ennemis et même attaquer à distance. Les porteurs de hache sont souvent les « tank », avec beaucoup de points de vie, ils infligent de lourds dégâts mais ont moins de chance de toucher, et bénéficient de compétence qui réduisent les caractéristiques adverses ou de cris. Les archers sont les spécialistes du combat à distance et disposent de compétences d’empoisonnement ou de dégâts à distance particulièrement efficaces, en contrepartie ils sont faibles, ne peuvent pas contrer et ne peuvent pas créer de « Burning Aura ». Les ou plutôt le voleur puisqu’il est seul est rapide, inflige peu de dégâts mais souvent des coups critiques, peut voler les adversaires et placer des éléments de décor indispensables dans certaines missions. Enfin, les magiciens sont spécialisés dans la magie avec plusieurs éléments possibles.

Nous avons donc des classes bien structurées avec intelligence et le fait que la magie ne soit pas limitée permet d’offrir une couche supplémentaire de personnalisation. En revanche, les classes autres que magiciens auront beaucoup moins de MP, donc pourront s’en servir moins souvent. Après avoir exploré le jeu dans son intégralité, il faut quand même se rendre à l’évidence, les archers sont redoutables dans Jeanne d’Arc. Ils ne sont que deux, mais ils grimpent rapidement en puissance et finissent par acquérir des compétences qui infligent parfois plus de dégâts que les attaques de corps à corps (le tout puissant « Meteor Bolt ») et carrément une attaque permettant de toucher n’importe où sur la carte (le sacro saint « Sky Dart »). Les classes guerrières sont plus équilibrées, surtout avec des pierres qui augmentent les points de vue, régénèrent et augmentent certaines caractéristiques. Si le voleur n’inflige pas beaucoup de dégât, sa grande mobilité est idéale pour créer des « Burning Aura ». On retiendra surtout la surpuissance des archers et des transformations, face auxquels peu de groupe d'ennemis parviennent à réagir.


C’est réellement le système de combinaison qui donne à Jeanne d’Arc toute sa saveur, tout comme le système de fusion de Persona dans l’excellent Persona 3. Cela ouvre la porte à l’expérimentation permanente : dès que l’on récupère une nouvelle pierre, il faut voir ce qu’elle fait et voir comment elle peut être combinée. D’autant plus que les combinaisons sont souvent logiques (attaque sur une cible plus cri à effet de zone donne une attaque de zone). Bien que les possibilités de développement n’atteignent pas celles de Final Fantasy Tactics, ce système se révèle excellent et donne toute sa richesse au jeu car les pierres de compétences sont vraiment nombreuses et soumis à peu de règles de restriction (une condition de niveau), ce qui fait que l’on peut rapidement obtenir des attaques de zone très efficaces.

On pourra également se délecter de la grande lisibilité des combats, de l’omnipotence des transformations avec les terribles combinaisons « Godspeed + Burning Aura » ou de l’interface particulièrement bien pensée où pour une fois, il ne faut pas valider cinquante fois pour effectuer une action (évitant les traumatismes causés par Hoshigami à ce niveau) puisque l’affichage des estimations se fait en survol. Une innovation d’interface toute simple mais intéressante puisqu’il ne faut que trois validations pour agir : choisir son personnage, choisir son déplacement, choisir sa cible. Dans d’autres jeux, il faut valider une première fois sa cible pour afficher les estimations de combats. Le système  de Free-Stage est également sympathique. Contrairement à Final Fantasy Tactics où les niveaux des monstres des rencontres aléatoires sont basés sur le niveau de l’équipe, les niveaux des monstres sont fixes. Avantage : il devient aisé de monter des personnages faibles sans les exposer aux dangers. Inconvénient : de nombreux Free-Stage deviennent rapidement inutiles. A moins de vouloir « farmer » de la pierre de compétence (quand je vous disais que c’était ce système qui donnait toute sa grandeur et sa cohérence au jeu).

Enfin, le scénario n’est pas en reste car même si de nombreuses libertés sont prises et même si les personnages ne sont pas forcément aussi charismatiques que dans Final Fantasy Tactics, les rebondissements sont nombreux, les personnages sont attachants et les nombreuses scènes animées viennent récompenser les efforts du joueur. La trame n’est pas bien complexe et pâlit de la comparaison avec Final Fantasy Tactics ou Tactics Ogre, mais elle ne s’en tire pas si mal, avec quelques moments bien dramatiques comme il faut. Dommage sur les musiques ne soient pas plus nombreuses. La durée de vie du jeu est tout à fait correcte, avec une trentaine de missions de scénario et des Free-Stage, avec en plus des éléments à débloquer une fois le jeu terminé. Sans atteindre la densité d'annexes de Final Fantasy Tactics ou l'abusive complexité et longueur de Disgaea, Jeanne d'Arc demeure tout à fait honorable (comptez 50h de jeu pour en voir le bout).

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A chaque instant, ce qui transpire de Jeanne d’Arc, c'est une impression de jeu bien pensée, à tous les niveaux. Le principal reproche que je lui fait est cette tendance à exiler provisoirement les personnages du scénario, ce qui oblige à monter d’autres personnages et à faire varier ses stratégies. Un mal pour un bien car à la fin du jeu, on dispose de pas moins de neuf personnages et c’est précisément à ce moment que l’on est bien content d’avoir développé plusieurs personnages. D’ailleurs le nombre de personnage dans les batailles fait parti des bons points du jeu. Jeanne d’Arc se permet de corriger les nombreux défauts courants de ce genre de jeu et d’offrir des règles permettant de changer un peu les stratégies communes. C’est un jeu à l’image de son scénario, sans grande ambition, très humble mais finalement très réussi.

En fait, et c’est le constat que l’on fait après plusieurs heures de jeu, c’est qu’il est tellement réussi qu’il fait sans aucun doute possible parti des meilleurs jeux du genre depuis de nombreuses années. Avec Final Fantasy Tactics, Disgaea et Jeanne d’Arc, la PSP se dote d’une prestigieuse collection de Tactical-RPG et devient la nouvelle petite reine du genre, bien que la DS soit une rivale de taille. Jeanne d’Arc est donc une nouvelle référence du Tactical-RPG et même si je lui préfère toujours Final Fantasy Tactics (avec ses énormes qualités mais aussi ses gros défauts), la première incursion de Level-5 est plus que concluante. Voilà un jeu que je recommande particulièrement à ceux qui veulent découvrir le Tactical-RPG sans avoir à se taper la folle richesse de contenu de Disgaea qui oblige à y passer sa vie ou les énormes pics de difficulté de Final Fantasy Tactics. Il serait bon que Jeanne d’Arc sorte en France dans une version localisée, c’est un jeu qui pourrait se trouver un large public, surtout que la thématique ne nous est pas étrangère.

Jeanne Roger Gilles

11 janvier 2008

Le retour des salles d'arcade

Autant couper court aux faux espoirs, non l'arcade en France continue de très mal se porter et il n'y aucune chance que les choses s'améliorent dans les années qui viennent. Par contre, globalisation d'internet et du jeu en ligne offre de nouvelles opportunités de jeu en ligne parfois très divertissantes. Ainsi, depuis plusieurs années maintenant, on peut jouer aux vieux jeux d'arcade par le biais de l'émulation, notamment grâce à MAME, l'émulateur le plus célèbre qui permet de rejouer à loisir aux jeux qui ont bercé notre jeunesse.

Le plus intéressant est la possibilité de jouer en ligne à ces vieux jeux, par l'intermédiaire d'un client Kaillera. Ainsi, on peut rejoindre des serveurs où l'on peut découvrir avec une certaine joie des parties de Street Fighter 2 ou de King of Fighters en ligne, ou simplement se faire un petit Beat'em All en ligne, comme Final Fight ou Double Dragon.

Je n'ai jamais été un grand adepte de ces pratiques, mais il faut bien avouer que ces nouvelles possibilités sont vraiment intéressantes. Le plus notable est que la scène de l'émulation évolue rapidement et de plus en plus de jeux sont disponibles, surtout "reçents". Il y a quelques années, j'étais stupéfait de pouvoir m'adonner à Street Fighter Zero 3 en ligne, qui a longtemps été l'un des jeux les populaires.

Il y a quelque temps, j’ai pu découvrir avec stupéfaction que la carte arcade CPS 3 de Capcom était enfin émulé. Un événement majeur car durant de nombreuses années, c’était la carte maudite, celle qui restait la plus mystérieuse, l’une des meilleurs cartes arcade 2D et accessoirement, celle qui faisait tourner le sacro saint Street Fighter 3 3rd Strike, ce petit bijou de Capcom qui se joue encore actuellement.

Du coup, je me suis lancé dans la quête du Graal et je peux enfin tourner mes impressions. C’est absolument nickel. J’ai d’abord essayé avec le cps3emulator et ce fut une véritable surprise. Bon, il y a quelques petites subtilités à connaître pour faire fonctionner la chose mais rien d'insurmontable. Evidemment, je ne peux que vous conseiller d’utiliser un adaptateur manette (PS2 par exemple) pour apprécier la chose. A vous la joie des Parry et des combos furieux.

Du coup, cela a relancé mon intérêt pour l’émulation et m’a rappelé de vieux souvenirs où je découvrais les joies du jeu en ligne sur de bons vieux jeux d’arcade. Je me suis surpris à avoir envie de refaire quelques matchs online. Je ressors mon Z-Ryu d’outre tombe et j'arrive directement contre un très bon Guy, qui maîtrisait bien les différents combos et priorité. Bref, c’est la raclée. La morale de l’histoire, c’est qu’il est toujours impressionnant de pouvoir se mesurer aux joueurs du monde entier. Enfin, il vaut mieux qu'ils ne soient pas trop loin pour avoir un ping acceptable.

Mais c’est en jouant à Street Fighter Zero 3 en ligne que j’ai fait une autre découverte : des gens jouaient à Street Fighter 3 3rd Strike en ligne également ! Là, c’est le choc : sitôt le jeu émulé, on peut le faire tourner sur MAME et bénéficier du même client Kaillera. Après quelques minutes de recherche de ladite version, j’ai pu enfin découvrir à mon tour les joies de Street Fighter 3 3rd Strike en ligne. Comme pour ma précédente expérience, je suis tombé sur un Ken furieux et la différence de niveau était juste énorme.

Que ce soit avec Street Fighter Zero 3 ou Street Fighter 3 3rd Strike, si vous jouez contre quelqu'un avec un bon ping, l'expérience de jeu est presque de la même qualité que si vous aviez la personne à côté de vous. Bon, ce n'est pas forcément simple à mettre en place : il existe tout un tas de versions de MAME et j'ai bien du installer dix émulateurs différents pour pouvoir rejoindre les parties que je voulais, car il vaut mieux jouer avec le même émulateur que la personne en face. Ainsi, j'ai téléchargé WinKawaks 1.49 (émulateur Capcom CPS1, CPS2 et NeoGeo) avant de me rendre compte que tout le monde utilisait encore la 1.48. Pour Mame, c'est encore pire, vu les nombreuses versions. Ainsi, il faut MAME32++ 0.117 pour jouer à Street Fighter 3, et plutôt Mame32k 0.67 pour jouer à Street Fighter Zero 3.

Résultat, on peut désormais se retrouver à plusieurs dans ces équivalents virtuels des salles de jeux où l'on peut jouer à de nombreux vieux jeux en ligne. Quoi de plus excitant que de rencontrer sans cesse de nouveaux adversaires, d'organiser des petits tournois en ligne ou simplement de redécouvrir sous un nouveau jour certains vieux jeux ? Ainsi, la scène de l'émulation permet même de jouer à Tekken 3 en ligne et certains jeux se refont une jeunesse par ce biais, comme Super Smash Bros. ou Golden Eye 007 sur Nintendo 64, qui sont également jouables en ligne, grâce à l'émulateur Project64.

Enfin, ma dernière découverte dans le genre fut la possibilité de jouer à Guilty Gear online ! Non pas par le biais d'émulateur cette fois mais par le biais de la version japonaise de Guilty Gear XX #Reload qui était sortie sur PC et qui trainait depuis des années sur mon disque dur, simplement pour le plaisir de jouer sur PC à un jeu moderne (et d'excellente qualité).

Des amateurs ont réalisé un patch avec un client pour jouer en ligne et il existe un tutorial bien fait permettant de faire les manipulations nécessaires. Après quelques déboires techniques (Mais pourquoi le patch ne s’installe pas ? Comment on lance le jeu en fenêtré ? Pourquoi je ne vois personne dans la salle du jeu ? Comment on fait pour ouvrir un port spécifique de son Firewall…), je parviens à rejoindre la salle et j’ai pu commencé à affronter certains joueurs, avec des pings relativement faibles. Et ce fut une expérience intéressante, ça faisait des années que je n’avais pas joué à Guilty Gear et j’ai découvert de très bons adversaires. Même si cette version de Guilty Gear est obsolète, c’est un véritable plaisir de jouer en ligne.

De plus, et c'est une autre leçon à retenir, c'est qu'il y a peu de possibilités dans ce client online, mais du coup, tout va plus vite ! Inutile de chercher un serveur, ça se joue à P2P, inutile de créer une salle spécifique pour le jeu, tout le monde est là pour jouer au même jeu. Inutile de discuter, puisqu'on ne peut tout simplement pas ! Du coup, sitôt qu'un adversaire apparait dans la liste avec ping correct, il suffit de le défier et de combattre. On retourne dans la salle après le combat terminé et on peut remettre ça, sans fin. Ca va vite, et du coup, on peut faire beaucoup de partie sans perte de temps.

Les salles d'arcade ne sont pas mortes, elles ont simplement changé de forme ! Et les nouvelles possibilités qu'elles offrent (choix des jeux, choix des adversaires...) ouvrent de nouvelles perspectives.

11 janvier 2008

Dead Rising de Capcom (2006)

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Il y a des jeux qui sont de véritables perles mais qui ne se laissent pas dompter facilement. De nos jours, ce genre de jeu est de plus en plus rare, les standards actuels en matière de conception se tournant vers une accessibilité de plus en plus aisée et une certaine facilité. De même, il s’agit d’éviter les moments de frustration du joueur ou du moins, les utiliser avec suffisamment d’intelligence pour ne pas nuire à l’expérience de jeu. Ce bref récapitulatif de quelques bases de game design n’est pas anodin car le jeu dont j’ai choisi de parler aujourd’hui, Dead Rising, n’hésite pas à exploser toutes les règles de l’art en la matière. Pour une fois, je vais raconter le jeu tel que je l’ai perçu car il y a vraiment eu deux temps forts dans mon appréciation du jeu.

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Les premiers pas dans Dead Rising sont assez déroutants car il est difficile de se faire une idée du style de jeu. On incarne un reporter à la recherche d’un scoop phénoménale qui a demandé à un hélico de le lâcher dans une ville en quarantaine qui semble plutôt dérangée. La première séquence de jeu rappelle un bon vieux jeu de tir où il faut shooter des événements avec un appareil photo. La ville est en état de siège, à feux et à sang, mais personne ne sait vraiment ce qui s’y passe. Bon, ne soyons pas dupe plus longtemps, n’importe qui ayant vu la boîte sait qu’il s’agit d’une invasion de zombies. D’ailleurs, ceux qui s’y connaissent se rappelleront avec émotion les précédents jeux de Capcom sur le thème des zombies, fortement inspirés des films de John Romero comme la fameuse série Resident Evil 4, dont le quatrième volet était l’apogée dans le domaine de l’action.

On comprend que l’appareil photo semble jouer un rôle important dans le gameplay et l’on se retrouve ensuite dans un gigantesque centre commercial qui sera l’unité de lieu du jeu. On se retrouve parachuté dans un centre de sécurité qui sera la « base » pendant le reste du jeu et on rencontre différents personnages dans le centre. Evidemment, les choses se gâtent rapidement et les zombies envahissent la zone. Et quand je dis envahir, je pèse mes mots car c’est une véritable armée qui va débarquer sur les lieux, par paquets de dix. Sans aucune exagération, le nombre de personnage affiché atteint allégrement la centaine, ce qui met une pression énorme. Les zombies répondent à toutes les caractéristiques habituelles nécessaires pour le gameplay : ils sont lents, idiots et peu résistants. Manque de chance, on démarre le jeu sans aucune autre arme que son pauvre appareil photo, qui malheureusement, ne fait pas le moindre effet aux zombies, contrairement à un jeu comme Project Zero. Différents objets sont disponibles sur le sol et le massacre peut alors commencer : c’est du délire intégral, on peut utiliser une batte de base-ball, une poubelle ou carrément un banc pour défourailler les dizaines de zombies devant soi.

A ce moment, on commence à comprendre certaines choses : Dead Rising ne va pas faire dans la finesse et offre une bonne densité de gameplay différents. En naviguant un peu dans les magasins, on se rend compte que l’on peut interagir avec beaucoup d’objets, ce qui confère au titre un aspect « bac à sable » assez intéressant. Ca commence donc plutôt bien, les premières impressions sont vraiment bonnes : c’est fun, particulièrement sanglant et très riche. On se dit que c’est plus proche d’un Beat’em All que d’un Survival-Horror mais on se demande quand même depuis quand les Beat’em All ont des armes cassables…

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Après quelques heures de jeu, le deuxième effet kiss-cool commence à pointer le bout de son nez et Dead Rising dévoile sa véritable nature : un jeu riche, intéressant mais qui frustre le joueur a un point rarement atteint. Premier choix qui semble étrange, toutes les armes cassables : on ne peut frapper qu’une certain nombre de fois et elles finissent implacablement par se casser. Il n’y a donc aucun sentiment de sûreté dans les armes, à l’inverse de Resident Evil. Autre point, les armes ne sont pas forcément faciles à trouver. On trouve souvent des objets dont on peut se servir un peu partout mais vu la masse de zombies, c’est totalement insuffisant. Manque de bol, si les armes ne sont pas évidentes à trouver et cassables, le nombre indécent de zombies dans chaque zone oblige à se frayer un chemin dans le sang et la douleur. Il y a tout simplement trop de zombies, il n’est possible de nettoyer la zone et quand bien même on le ferait, ils repeuplent immédiatement la zone dès qu’on la quitte. Mais que faire alors ? Concrètement, à part se frayer un chemin à travers les hordes de zombies tant bien que mal, il n’y a pas grand-chose à faire en face d'un tel surnombre. Mais comme si ce n’était pas suffisant, on se rend rapidement compte que tout le jeu est en temps limité : on dispose de trois jours, soit 72 heures pour résoudre l’affaire. Ami du jeu en temps limité initié avec The Last Express et magnifié par Legend of Zelda : Mask of Majora, bonsoir.

Dead Rising ne laisse pas un instant de répit au joueur. Seulement, dans Mask of Majora, on progresse petit à petit, il existe un moyen de ralentir l’écoulement du temps et lorsque c’est foutu, on entonne le chant du temps pour repartir trois jours en arrière et recommencer les actions qui ne peuvent être sauvegardées. Dans Dead Rising, il n’y a rien de tout cela. Il y a deux types d’objectifs qui structurent le jeu : les objectifs de la trame principale (les « cas ») et les objectifs secondaires qui sont optionnels. Mais en aucun cas, il n’est possible de revenir en arrière. Etant donné la taille du centre commercial, il faut beaucoup de temps devant soi pour explorer les recoins. C’est là que le bat blesse. Tout joueur normalement constitué va essayer de résoudre tous les objectifs. Manque de bol, Dead Rising ne l’entends pas de cette oreille et il sera déjà très délicat de se concentrer uniquement sur la trame principale. Il en résulte une énorme frustration : Dead Rising met déjà la pression en permanence, en anéantissant tout sentiment de sécurité. On est agressé en permanenc et garantir sa propre survie est déjà une tache titanesque. Mais en plus, Dead Rising ajoute une énorme dose de stress par la notion d'objectifs en temps limité.

Les premières heures de jeu sont tout simplement insoutenables : on navigue péniblement, on est contraint de laisser mourir la plupart des personnes à sauver, on porte peu d’objets, les boss sont « à la Capcom », c’est-à-dire très difficiles et le système de sauvegarde vient achever toute la bonne foi qui peut rester au joueur, car celui-ci a également bénéficié de la touche « stress permanent » appliquée à l’intégralité des composantes de gameplay du jeu. Du coup, on peut sauvegarder à quelques endroits du jeu, assez éloignés, dont le centre de sécurité et les toilettes. Malheureusement, il n’est possible de sauvegarder qu’un seul profil. Impossible de réaliser des sauvegardes annexes à différents moments. La difficulté du jeu rend la progression délicate et les retours à la sauvegarde précédente réguliers. Ouille, ça commence à faire beaucoup dans la balance là. Enfin, de nombreuses missions à effectuer sont des escortes et malheureusement, l’IA des alliés est catastrophique.

Pire encore, il n’y a pas de « Friendly Fire », si l’on veut aider ses alliés à se dégager, il n’est pas rare de les massacrer soi-même.  C’est ce qui m’est arrivé après une escorte remarquablement bien menée : j’ai traversé l’essentiel du centre commercial, j’allais ramener la personne au centre de sécurité et elle s’est retrouvée submergée. J’ai sorti alors mon katana et l’accident est survenu, j’ai tranché mon escorte en deux. Des exemples d’accidents et de frustrations dans ce genre, Dead Rising en abonde. A un autre moment, j’ai effectué un objectif en temps limité dans les temps et finalement, j’ai appris que l’heure de l’objectif suivant (obligatoire) avait déjà expiré… Manque de bol, j’avais sauvegardé… Je réfléchis un instant et vu le système de sauvegarde, je constate qu’il n’existe plus qu’une seule et unique solution : tout commencer à zéro. Je ne suis pas obligé, puisqu’on peut continuer à jouer même en ayant raté la trame principale. Mais tout de même, c’est là qu’une haine profonde m’envahit et que l’envie d’abandonner le jeu s’installe dans mon esprit. J’hurle au scandale, à l’hérésie de conception, je peste contre les choix douteux du jeu et je me dis que j’ai gâché une journée en essayant ce jeu. Fin du premier acte.

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Finalement, je me décide, après une longue hésitation, à relancer le jeu. Tant bien que mal, je commence à comprendre comment fonctionne Dead Rising. Ainsi, s’il n’est possible de faire qu’une seule sauvegarde à la fois, il est possible de reprendre le profil de son personnage à tout moment pour recommencer le jeu (sorte de New Game + sur commande, pour ceux qui connaissent). Du coup, je peux profiter des quelques niveaux d’expérience que j’ai acquis, ce qui me permet de recommencer avec plus de vie et plus d’objets à disposition. Et la simple amélioration de ces deux paramètres change complètement la vie. Je commence à entrevoir le potentiel du jeu, après quelques heures de jeu tout de même. J’imagine qu’un profil avec beaucoup d’expérience peut se permettre de sauver plus de personnes. Mieux encore, à force d’exploration, je commence à rentrer dans le système de jeu. Maintenant, je connais les objectifs, je connais les zones à risque et les passages plus faciles. Je navigue plus facilement dans ce dédale.

Je m’aperçois que les premières heures de jeu laissent de la marge pour faire de l’exploration et je découvre l’existence de boutiques qui offrent des stocks infinis d’armes puissantes ou de soins. Ainsi, ma deuxième partie démarre nettement mieux et je décide de me consacrer avant tout aux objectifs du scénario. En gros, je dispose désormais d’armes suffisantes pour lutter contre le stress permanent du jeu et petit à petit, je dompte le système de jeu et parviens à m’amuser. Je découvre petit à petit les subtilités du jeu, qui permettent d’améliorer ses chances de survie, comme les effets des différentes armes, la possibilité d’augmenter la résistance des objets, les différents moyens de locomotion comme le skateboard, ou la moto. Il existe tant de choses pratiques qui peuvent simplifier la vie dont je n’avais pas conscience, parce qu’on ne m’avait pas tenu la main pour me les montrer une par une. Dead Rising est un jeu volontairement horripilant qui force le joueur à souffrir comme rarement, pour ensuite lui laisser doucement entrevoir des chances de salvation et finalement lui offrir un bonne dose de fun.

Bon, il reste quelques passages de frustration extrême, il n’y a rien à faire pour les escortes, à part s’équiper d’une arme non mortelle et de dégager le passage, certains boss sont vraiment chauds et exigent des nerfs d’acier (alors que les confrontations contre d’autres tournent au massacre). Bref, l’expérience de jeu devient de plus en plus plaisante à mesure que l’on rentre dans le jeu et que l’on se fait aux systèmes. Ainsi, je me surprend à apprécier l’univers, à avoir envie de continuer l’aventure même lorsqu’elle se révèle frustrante. Je ne me cache pas, j’ai du avoir recours à certaines FAQ tant la difficulté et la frustration auraient pu me faire plier bagage pour d’autres ciels plus cléments.

Mais le plaisir de jeu est bien là et je suis désormais rassuré, Dead Rising est un bon jeu. Il possède de grandes forces, comme son originalité, qui en fait un jeu totalement inclassable (il utilise allégrement des notions de jeu d’action, de Beat’em All, de RPG, comme de bac à sable car tout ce qui traîne est une arme potentielle…), un aspect ouvert qui le rend particulièrement plaisant une fois que l’on commence à s’en sortir. C’est un jeu à la pointe du game design sur certains points, maître absolu dans le domaine de la tension permanente à un point qu’aucun jeu à ce jour n’a pu égaler, mais qui pêche par des défauts de conception énormes (des tonnes de contrôles pas forcément ergonomiques, les phases d’escortes ou globalement, l’impossibilité de finir la plupart des quêtes). De même, il y a tellement de composantes dans le gameplay, que l’on se demande parfois leur intérêt. Il y a beaucoup d’armes possibles, loin d’être aussi efficaces les unes par rapport aux autres, la composante photographie est finalement très négligeable : elle rapporte beaucoup moins de points que les escortes ou les morts de certains ennemis. Dead Rising donne parfois une impression de gigantesque fourre-tout basé sur un centre commercial et des zombies. Mais le fun reste très présent quoiqu’il arrive, dès que l’on parvient à contourner la frustration que veux générer le jeu. Et il dispose d'une tonne de petits secrets, de petits trucs simplement fun ou qui permettent de mieux s'en sortir.

Si vous voulez apprécier Dead Rising, il va falloir faire des efforts non négligeables mais en récompense, vous obtiendrez une expérience de jeu particulièrement exaltante et surtout rafraîchissante. En quelques mots, Dead Rising est passionnant mais exigeant et à peu près autant « oldschool » qu’avant-gardiste. C'est un gros bras d'honneur aux standards actuels qui fait le choix de faire souffrir le joueur avant de lui donner de l'oxygène, qui oblige le joueur à rentrer dans son système de fonctionnement et dans sa propre logique, sans lui offrir le luxe d'un ticket d'entrée progressif. Une sorte de vieux rêve de gamer devenu réalité, fait par des gamers pour d'autres gamers.

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26 décembre 2007

Super Mario Galaxy de Nintendo (2007)

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Un nouveau Mario est toujours un événement dans l’univers du jeu vidéo. On se souvient de la révolution de la plate-forme 3D initiées par Super Mario 64, qui apportait un contrôle analogique et faisait la part belle à l’exploration 3D. L’écho laissé par son successeur, Super Mario Sunshine, aura été moins unanime, à cause de quelques problèmes de caméra et d’une difficulté parfois cruelle. Mais son apport fut néanmoins très conséquent en terme de challenge et de level design. La sortie de ce volet Wii est particulièrement importante, ne serait-ce que parce qu’il s’agit du troisième Mario en 3D, qui plus est, sur une machine au fort potentiel novateur (ou du moins, estimée comme tel). L’occasion de constater si la créativité et la maîtrise du genre de Nintendo font encore école, à l'heure où les différents concurrents de Mario ont achevé leurs carrières en s'écrasant les uns après les autres, Sonic en tête.

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Visuellement, Super Mario Galaxy montre la Wii sous son plus beau jour. Les couleurs sont chatoyantes, les textures sont étonnement fines et les nombreux petits effets de réfraction montrent que même si la Wii ne peut rivaliser avec les autres machines, elle est capable d’afficher de fort belles choses, pour peu qu’un soin particulier soit apporté par des artistes talentueux. Sans être d'une beauté renversante, les différents décors de Super Mario Galaxy possèdent une âme et une rare propreté. L’aspect technique est également brillant, le jeu tourne de manière parfaitement fluide, il n’y a jamais de bugs d’affichage ou de baisse de framerate, rien qui ne saurait troubler le gameplay. Le contrat est donc parfaitement rempli en terme visuel, dans les limites des capacités de la Wii, bien évidemment.

Au niveau du contrôle, Super Mario Galaxy reprend les grandes lignes de ces prédécesseur : le contrôle est d’une grande simplicité, Mario répond au quart de tour et les différents mouvements présents dans les anciens opus ont été conservés : triple saut, saut inversé, saut sur les murs... Seul le petit saut vers l’avant, que l’on pouvait enchaîner à l’infini dans Mario Sunshine, semble avoir été oublié mais un petit mouvement permet désormais d’atteindre une plate-forme proche facilement, afin de remédier aux petits manques de rigueur du joueur. Cela facilite la vie et permet de ne pas sanctionner les petites erreurs d'appréciation. Un choix qui entre pleinement dans la logique de Nintendo pour ce Super Mario Galaxy.

La première nouveauté concerne la caméra, qui se place systématiquement de manière à donner une vision optimale de la situation (ou du moins, essaye d’arriver à ce résultat). On passe beaucoup moins de temps à jouer avec la caméra que dans Mario Sunshine, et on ne peut plus contempler à loisir les niveaux. Derrière ce choix, on sent une volonté de réduire la part de l’exploration par rapport à l’action : désormais, les niveaux sont plus étroits, plus simples et regorgent moins de petits secrets. En remplacement, la plate-forme plébiscitée dans les niveaux spéciaux de Mario Sunshine, reprend ses droits. Super Mario Galaxy est donc plus directif et plus linéaire que Mario Sunshine. Le travail effectué sur la gestion de la caméra est titanesque mais il reste encore quelques passages où la caméra est lancée en freestyle. Personnellement, je regrette un peu la liberté de contrôle de la caméra de Super Mario Sunshine, qui était une constituante du jeu à part entière : une personne sachant bien jouer à Mario Sunshine contrôle bien son personnage et gère impeccablement la caméra pour lui faciliter ce contrôle. Dans Super Mario Galaxy, la gestion de la caméra passe complètement au second plan, probablement dans le but de rendre le jeu plus accessible. Il est possible d’avoir la main sur la caméra, mais c’est devenu très rare et cela se ressent parfois, lorsque l’on veut faire une action non prévue par les concepteurs. Quoiqu'il en soit, cette facilité aura pour principale conséquence de réduire le temps à gérer la caméra pour laisser le joueur se concentrer sur les différentes situations.

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L’autre nouveauté réside dans le contrôle à la Wiimote, permettant de pointer à l’écran : très utile pour ramasser les différents fragments d’étoiles ou pour se suspendre à un grappin. On sent bien que l’apport de la Wiimote ne renouvelle pas totalement la manière de jouer, Nintendo se contente de l’utiliser en tant que « plus », comme dans Zelda Twilight Princess, plutôt qu’en tant que « cœur ». Néanmoins, les passages tirant parti des fonctionnalités de la Wiimote permettent de rompre la monotonie. Il est clair que la quasi intégralité du gameplay aurait été transposable sur une autre machine, mais finalement, les fonctionnalités de la Wiimote doivent être utilisées jusque comme il faut, à bon escient. Quand Nintendo a réalisé Mario Kart DS, il ne s’est pas encombré de l’écran tactile et du stylet parce que ce n’était pas nécessaire. Dans Super Mario Galaxy, le recours à la Wiimote n’est pas indispensable mais permet de renouveler les sensations de jeu, quand ils estiment en avoir besoin. L’outil ne doit imposer son diktat mais servir les concepteurs à créer des expériences intéressantes. Inutile de forcer l’utilisation quand ce n’est pas nécessaire. L'essentiel étant que le contrôle ne pose aucune difficulté, même lorsque l'on se retrouve la tête à l'envers, ce qui est plutôt fréquent.

Cette aspect directif se retrouve dans les structures du jeu : il est toujours question de différents objectifs à réaliser dans un monde, bénéficiant de quelques calques différents selon les missions, afin de ramasser les étoiles. Les étoiles cumulées permettent toujours de débloquer différents niveaux (galaxies, dans le cas présent), mais l’accès à ces niveaux est moins ouvert que dans les précédents volets. Ceux qui aimaient jouer de manière horizontale, en ramassant les étoiles dans des niveaux différents, risquent d’être un peu deçu. En revanche, cela ne changement absolument rien pour ceux qui jouent de manière verticale, en ramassant toutes les étoiles d’un monde avant de passer au suivant. Tout du moins, cela ne sera plus possible d’une seule traite, certains événements (libérer Luigi, les comètes…) sont déblocables au fur et à mesure. A travers l’aspect structure et la caméra, on sent une volonté de revoir la copie : plus directif, plus orienté action que recherche, Super Mario Galaxy témoigne d’une nouvelle orientation de Nintendo.

Le cœur du jeu réside dans les différents niveaux et plusieurs thèmes se dégagent largement : Super Mario Galaxy est basé sur les concepts des galaxies, des mini-niveaux très courts que l’on explore et qui sont autant de situations de jeux différentes. En parallèle à ce concept des galaxies, qui n’est pas anodins, Super Mario Galaxy aurait pu s’appeler Super Mario Gravity, tant la gestion de la physique fait parti intégrante du gameplay. De nombreuses situations de jeu font appelle à la physique, ce qui fait que l’on se retrouve régulièrement à jouer dans des situations assez improbables, la tête en bas, ou à utiliser l’attraction des planètes pour parvenir aux objectifs. Enfin, la dernière tendance de Super Mario Galaxy réside dans le fanservice omniprésent : que ce soit les musiques orchestrales ou les niveaux, on sent une volonté de puiser dans la nostalgie des joueurs, qui se rappelleront les bateaux de Super Mario Bros. 3 ou certains thèmes d’autres épisodes. Je laisse cette appréciation à chacun, personnellement, j’adore les Mario et ça me fait plaisir.

Le concept des galaxies permet de créer des situations très différentes au sein d’un même niveau, sans ce soucier de la cohérence de l’ensemble. Les mondes sont orientés selon une thématique visuelle, mais en terme de gameplay, les situations surgissent de partout, sans crier gare. Les phases de confrontation s’enchaînent avec des phases de recherche, de dextérité, le tout avec un rare brio. Super Mario Galaxy n’est pas un jeu avare, et l’on y découvre un foisonnement d’idées de gameplay et de situations de jeu. C’est simple, on retrouve plus d’idées dans Super Mario Galaxy que dans les deux premiers volets réunis ! A ce niveau, Nintendo a fait très fort en terme de level design. C’est certainement le jeu de plate-forme le plus inventif depuis Yoshi’s Island sur SNES. Un véritable melting pot qui emprunte à beaucoup de titres de la firme : des passages sur l’eau à la Wave Race, des vols planés dignes de Pilot Wings, des passages tubulaires à la F-Zero X, des séquences de plate-forme en 2D… Nintendo ne cache pas son héritage, bien au contraire, il s’en sert à tout moment pour exhiber sa monstrueuse maîtrise du genre. Et cela fonctionne avec une efficacité qui culmine parfois au génie.

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Si dans Mario 64, les sauts étaient exigeants, si dans Super Mario Sunshine, on pouvait doser et ajuster les sauts avec les jets d’eau, Super Mario Galaxy fait un pas de plus vers l’absence de sanction, puisque sur de nombreuses planètes, il n’est tout simplement pas possible de tomber. Il est évident que c’est une approche très grand public, mais Nintendo sait jouer à cette règle en la retirant pour créer de la vraie tension. Super Mario Galaxy n’exige pas une précision diabolique, mais du coup, se révèle plus facile et moins frustrant que Super Mario Sunshine. Les piques de difficulté sont beaucoup moins violents. A titre d’exemple, le seul passage m’ayant réellement ennuyé consistait à détruire des débris avec des bombes, qui avaient un temps de latence extrêmement long. Les autres séquences un peu limites sont les passages où Mario monte sur une boule, peu précis et pas si amusants. Autant dire que 5% du jeu est limite, 75% est excellent et 20% touche au franchement grandiose.

Super Mario Galaxy donne une impression de plénitude. C’est un jeu planant, produit d’un travail d’orfèvre, dans lequel on progresse avant grand plaisir, en affrontant des situations toujours plus surprenantes, toujours plus différentes. Le challenge est moins délicat que dans Super Mario Sunshine, ce qui fait que les habitués vont y progresser assez rapidement. Sans y jouer plus de 6 heures, j’ai terminé le jeu en un petit week-end sans grande difficulté. Pourtant, c’est avec un grand plaisir que j’ai enchaîné les différentes étoiles, en me demandant à chaque fois comment ils allaient s’y prendre pour créer des situations différentes.

Super Mario Galaxy ne se joue pas, il se dévore sauvagement. J’ai bien eu quelques vies perdues (dérisoires vu comment le joueur est gavé de 1up), j’ai du recommencer certaines séquences plusieurs fois, mais jamais je n’ai ressenti la moindre animosité envers les contrôles ou de la frustration. Le challenge est toujours à la portée de n’importe qui, calibré pour que tout le monde puisse prendre du plaisir et jouer dans ses environnements époustouflants. Certainement trop facile et trop court pour les gamers, le voyage est tellement merveilleux que cela n’a pas trop d’importance. Alors que je ne termine plus tous mes jeux à 100%, je me suis lancé avec plaisir à la conquête des 120 étoiles de Super Mario Galaxy, sans me poser la moindre question. Ce n’est jamais trop long, jamais trop chiant, jamais trop répétitif.

C’est cette variété de situation qui donne à Super Mario Galaxy toute sa puissance. Certains niveaux sont monstrueux (une dizaine) et si les autres sont moins anthologiques, ils sont tout de même diablement agréables et contiennent des idées de gameplay et de situations à ne plus savoir qu’en faire. Après avoir écumé des centaines de jeux, j’ai eu cette impression naïve de redécouvrir de l’émerveillement dans Super Mario Galaxy, des choses que je n’avais pas vu avant, ni dans Super Mario 64, ni dans Super Mario Sunshine. Des petits « Waouh » d’admiration en découvrant certains passages viennent régulièrement ponctuer la progression, fait plutôt rare ces derniers temps.

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Super Mario Galaxy est un régal, une explosion de bonnes idées avec une exécution magistrale et un challenge parfaitement dosé. C’est un émerveillement de tous les instants qui ne cède jamais ou très peu à la facilité. Il aurait été possible de concevoir un jeu ou même deux avec seulement la moitié des idées contenues dans Mario Galaxy. Pourtant, Nintendo a casé tout ce qu’il était possible de faire, en poussant son concept des galaxies à son maximum. On pourra toujours regretter la facilité de l’ensemble, certaines étoiles un peu gratuites, quelques problèmes de caméra, l’absence de séquences de jeu où il faut véritablement se dépasser, des boss un peu faiblards et quelques niveaux copiés-collés. Mais ce n’est rien à côté du plaisir passé à écumer les différentes galaxies. Un fabuleux voyage, à la portée de tous, qui est certainement la perfection recherchée par Nintendo dans ce genre. Non pas qu’il soit inattaquable ou absolument parfait, mais il correspond exactement aux désirs de la cible de Nintendo.

Une brillante réussite dont il y aurait beaucoup de leçons à tirer et qui en profite par la même occasion pour nous redonner notre âme d'enfant. Et puisque si Shigeru Miyamoto lui-même est à l'origine du concept, je tenais avant tout à saluer le travail de Yoshiaki Koizumi, le Lead Game Designer qui est le véritable homme derrière Super Mario Galaxy, ainsi qu'à la remarquable équipe de Level Designers qui a effectué une remarquable démonstration de créativité. Voilà en tout cas pour ma part le jeu le plus important et le plus marquant de cette belle année 2007.

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19 décembre 2007

Les Yan's Awards 2007

Comme à chaque fin d’année, il est temps de faire un petit compte rendu de l’année qui vient de s’écouler. Je me suis donc fendu de mon petit top personnel pour cette année 2007 qui aura été riche en sorties de qualité.Cette année, beaucoup de personnes se sont livrés à cet exercice avec parfois une certaine originalité. De mon côté, je reste sur des classiques avec un podium global, un classement par composante, par genre et par plate-forme. S'il n'y a qu'une chose à retenir cette année, c'est que 2007 aura été une bonne année pour le jeu vidéo avec des sorties de qualité et quelques jeux particulièrement innovants.

Petit détail, je ne prend en compte que la première sortie de chaque jeu (ni Final Fantasy XII, Metal Gear Portable Ops, ni Valkyrie Profile Silmeria, Jeanne d'Arc, Okami n'entrent pas le top 2007) et j'ai privilégié les exclusivités chaque fois que c'était possible. Si certaines choses peuvent surprendre, comme BioShock et Mass Effect qui ne sont pas au top de leurs catégories respectives alors que je les cite en "jeu de l'année", c'est simplement qu'ils ont une portée plus large que leur genre et que d'autres jeux peuvent être plus efficace dans un domaine, sans proposer une expérience de jeu aussi développée.

J'ai essayé la plupart des jeux cités mais pas tous, aussi je ferais sûrement quelques ajustements au fur et à mesure.

MEILLEUR JEU DE L'ANNEE 2007 :
1) Super Mario Galaxy (Nintendo / Nintendo sur Wii)

2)  BioShock (Irrationnal Games / 2K Games sur PC et Xbox360)
3) Mass Effect (BioWare / Microsoft Game Studios sur Xbox360)

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JEU LE PLUS INNOVANT :

- Portal (Valve Software / Valve Software sur PC et Xbox360)
- Game Center CX : Arino no Chousenjou (Namco Bandai / Namco Bandai sur DS)
- Super Mario Galaxy (Nintendo / Nintendo sur Wii)

MEILLEUR GAMEPLAY :
- Super Mario Galaxy (Nintendo / Nintendo sur Wii)
- The Legend of Zelda : Phantom Hourglass (Nintendo / Nintendo sur DS)
- Metroid Prime 3 : Corruption (Retro Studios / Nintendo sur Wii)

MEILLEUR VISUEL :
- BioShock (Irrationnal Games / 2K Games sur PC et Xbox360)
- Crysis (Electronic Arts / Crytek pour PC)
- Assassin’s Creed (UbiSoft sur Xbox360 et PS 3)

MEILLEUR SON :
- Mass Effect  (BioWare / Microsoft Game Studios sur Xbox360)
- Super Mario Galaxy (Nintendo / Nintendo sur Wii)
- BioShock (Irrationnal Games / 2K Games sur PC et Xbox360)

MEILLEUR ECRITURE :
- Mass Effect (BioWare / Microsoft Game Studios sur Xbox360)
- The Witcher (CD Projekt Red Studio / Atari sur PC)
- Final Fantasy Tactics : The War of the Lions (Square-Enix / Square-Enix sur PSP)

MEILLEUR UNIVERS :
- BioShock (Irrationnal Games / 2K Games sur PC et Xbox360)
- Mass Effect (BioWare / Microsoft Game Studios sur Xbox360)
- The Witcher (CD Projekt Red Studio / Atari sur PC)

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MEILLEUR JEU DE ROLE :
- Persona 3 : FES (Atlus / Atlus sur PS2)
- Mass Effect (BioWare / Microsoft Game Studios sur Xbox360)
- The Witcher (CD Projekt Red Studio / Atari sur PC)

MEILLEUR JEU DE STRATEGIE :
- Supreme Commander (Gas Powered Games / THQ sur PC)
- World in Conflict (Massive Entertainment / Vivendi sur PC)
- Final Fantasy Tactics : The War of the Lions (Square-Enix / Square-Enix sur PSP)

MEILLEUR JEU DE COMBAT :
- Virtua Fighter 5 (Sega-AM2 / Sega sur Xbox 360)
- Hokuto no Ken (Arc System Works / Sega sur PS2)
- Dragon Ball Z Sparking Meteor / Budokai Tenkaichi 3 (Spike / Namco Bandai sur PS2)

MEILLEUR JEU DE TIR :
- Call of Duty 4 : Modern Warfare (Infinity Ward / Activision sur Xbox360)
- BioShock (Irrationnal Games / 2K Games sur PC et Xbox360)
- Crysis (Crytek / Electronic Arts sur PC)

MEILLEUR JEU D'ACTION-AVENTURE :
- Metroid Prime 3 : Corruption (Retro Studios / Nintendo sur Wii)
- Assassin’s Creed (UbiSoft Montréal / Ubisoft sur Xbox360 et PS3)
- Uncharted : Drake's Fortune (Naughty Dogs / Sony sur PS3)

MEILLEUR JEU D'AVENTURE :
- Gyakuten Saiban 3 / Phoenix Wright 3 (Capcom / Capcom sur DS)
- Experience  112 (Lexis Numérique / Micro-Application sur PC)
- Sam & Max (Telltale Games / Lucasarts sur PC)

MEILLEUR JEU DE COURSE :
- Project Gotham Racing 4 (Bizarre Creations / Microsoft Game Studios sur Xbox360)
- Gran Turismo 5 : Prologue (Sony / Sony sur PS3)
- Sega Rally Revolution (Sega / Sega sur PC, Xbox360 et PS3)

MEILLEUR JEU DE SPORT :
- Minna no Golf 5 (PlayStation 3)
- NBA 2K8 (Xbox360, PS3)
- Virtua Tennis 3 (Sega / Sega sur Xbox360)

MEILLEUR JEU MUSICAL :
- Moero! Nekketsu Rhythm Damashii: Osu! Tatakae! Ouendan 2 (Inis / Nintendo)
- Guitar Hero 3 : Legends of Rock (Neversoft / Activision sur PS2, Wii, Xbox360 et PC)

MEILLEUR PARTY GAME :
- Rayman et les lapins encore plus crétins (Ubisoft / Ubisoft sur Wii)
- Mario Party 8 (Nintendo / Nintendo sur Wii)
- Mario Party DS (Nintendo / Nintendo sur DS)

MEILLEUR JEU ONLINE :
- Team Fortress 2 (Valve / Valve sur PC et Xbox360)
- Call of Duty 4 (Infinity Ward / Activision sur PC et Xbox360)
- Enemy Territory Quake Wars (Splash Damage / Activision sur PC)

MEILLEUR JEU MASSIVEMENT ONLINE :
- World of Warcraft : Burning Crusade (Blizzard / Vivendi sur PC)
- Tabula Rasa (NC Soft / NC Soft sur PC)
- Lord of the Ring Online (Turbine / Codemasters sur PC)

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MEILLEUR JEU SUR WII :
- Super Mario Galaxy (Nintendo / Nintendo)
- Metroid Prime 3 : Corruption (Retro Studio / Nintendo)
- Super Paper Mario (Nintendo / Nintendo)

MEILLEUR JEU SUR XBOX 360 :
- Mass Effect (BioWare / Microsoft Game Studios)
- BioShock (Irrationnal Games / 2K Games)
- Assassin’s Creed (UbiSoft /Ubisoft)

MEILLEUR JEU SUR PLAYSTATION 3 :
- ??? (je ne dispose pas d'une PS3, donc je ne peux pas faire sérieusement de top)

MEILLEUR JEU SUR PC :
- Half Life Orange Box (Valve / Valve)
- BioShock (Irrationnal Games / 2K Games)
- Supreme Commander (Gas Powered Games / THQ)

MEILLEUR JEU SUR DS :
- Moero! Nekketsu Rhythm Damashii: Osu! Tatakae! Ouendan 2 (Inis / Nintendo)
- Gyakuten Saiban 3 / Phoenix Wright 3 (Capcom / Capcom)
- The Legend of Zelda : Phantom Hourglass (Nintendo / Nintendo)

MEILLEUR JEU SUR PSP :
- Final Fantasy Tactics : The War of the Lions (Square-Enix / Square-Enix)
- Castlevania Dracula X Chronicles (Konami / Konami)
- Silent Hill Origins (Climax / Konami)

MEILLEUR JEU SUR PLAYSTATION 2 :
- Persona 3 : FES (Atlus / Atlus)
- God of War 2 (SCEA / Sony)
- Dragon Ball Z Budokai Tenkaichi 3 (Spike / Namco Bandai)

13 décembre 2007

Mass Effect de BioWare (2007)

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Les RPG occidentaux se font de plus en plus rares depuis quelques années. La fermeture de Troika Games (Arcanum, Temple of Elemental Evil et Vampire Bloodlines), l’un des plus éminents représentant du genre formés par d’anciens employés de Black Isle, n’est pas étrangère à ce phénomène. Pourtant, il reste deux représentants de poids dans ce style de jeu, voguant sur des fleuves très différents.

D’un côté, il demeure Bethesda Softworks, les géniteurs de la série des Elder’s Scroll dont le dernier épisode, Oblivion, aura connu un succès considérable, aussi bien sur PC que sur console. Le RPG « à la Bethesda » est une expérience qui cherche à se rapprocher des jeux de rôle papier avec un univers immense et totalement ouvert, bourré à craquer de quêtes, de donjons et de PNJ dont la trame principale n’est pas vraiment le principal intérêt. Renforçant l’immersion par une vue à la première personne et des environnements d’une rare beauté, le plaisir procuré par Oblivion est également contemplatif. Comment rester de marbre devant la cohérence et la richesse de ce monde gigantesque ? Le prochain projet de Bethesda, après les multiples extensions d’Oblivion, est le très attendu Fallout 3, dernier rejeton de l'une des plus grande série du RPG occidentale.

De l’autre côté, le studio BioWare est toujours en piste depuis de nombreuses années maintenant. Particulièrement connu pour avoir adapté les différents univers de Donjon & Dragon, notamment Baldur’s Gate et Neverwinter Nights, BioWare s’est dirigé, tout comme ses confrères de Bethesda, du côté des consoles dans ses dernières productions : Star Wars KOTOR, Jade Empire et maintenant Mass Effect. Le RPG « à la BioWare » est bien plus dirigiste et avant tout centré sur la narration d’une histoire, avec un énorme soin apporté aux dialogues. Leurs jeux sont souvent des références en terme de dialogues, avec des scénarios solides et une progression très accrocheuse mais assez souvent bancals en terme de game design (ce qui ne les empêche pas d'être accrocheur, c'est ça le pire). Outre la trilogie Mass Effect dont il est question du premier épisode ici, BioWare développe également Dragon Age pour le PC et collabore régulièrement avec Obsidian Entertainment, formés par d’autres rescapés de Black Isle et qui a réalisé Star Wars KOTOR 2 et Neverwinter Nights 2.

Mais revenons à nos moutons. Mass Effect était attendu au tournant, ce n’est pas peu de le dire. Trois ans et demi de développement, l’énorme succès d’estime de BioWare depuis les Star Wars KOTOR, un univers complètement SF, autant d’élément qui ont suscité une immense vague  d’attentes et d’exigences autour de Mass Effect.

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Avant de commencer l’aventure, il faudra vous créer votre avatar. Vous pouvez incarner soi John Shephard, soi Jane Shephard (soi n'importe quoi Shephard d'ailleurs). Le nom est le même, pour simplifier les dialogues et vous pouvez ensuite personnaliser votre visage par le biais d’un éditeur assez pointu. Bien que limité, notamment au niveau des coupes de cheveux obligatoirement courtes, l’éditeur donne de meilleurs résultats que celui d’Oblivion et il est possible de faire des personnages assez charismatiques sans y passer des heures, ce qui constitue un très bon point, car le visage de votre avatar revient très souvent dans les conversations. Il est important de pouvoir s’identifier à un personnage que l’on va incarner durant de longues heures de jeu. En tout cas, j'étais parfaitement satisfait de mon personnage, ce qui est rare avec des éditeurs de ce type (NB : après avoir vu d'autres exemples de personnages, je me dis tout de même que la différence avec le mien n'est pas flagrante, et j'ai tout de même noté qu'on s'adressait à moi avec un "He" en anglais alors que j'avais un personnage féminin).

Il est possible de choisir une classe parmi six, qui sont orientées vers des gameplay différents : plus axées sur les armes ou les pouvoirs psy, avec des proximités variables car basées sur des armes différentes. Mass Effect compte d’ailleurs 4 familles d’armes : les pistolets, les fusils à pompe, les mitraillettes et les fusils de sniper. Ils ont tous leurs propres paramètres et se jouent différemment. La base quoi. Ensuite suivant la classe que vous aurez choisi, vous pourrez améliorer certaines caractéristiques en gagnant des points à chaque niveau, et ces caractéristiques passives débloqueront (puis amélioreront) des compétences actives avec des temps de recharge. Le système de progression est plutôt bien fait, même si l'on découvre assez peu de compétences. Elles sont souvent utiles, si bien qu’on les utilise régulièrement dans les combats pour se simplifier la vie.

Sachez qu’il est possible également de choisir parmi plusieurs origines et plusieurs backgrounds différents selon votre personnage, ce qui pourra influer sur certains dialogues et certaines quêtes. Un autre bon point, qui fait que votre héros aura une histoire et un comportement plus personnel. On se situe à mi-chemin entre le totalement caractérisé (on incarne un personnage avec un nom et un caractère définit) et l’absence totale de caractérisation (on incarne un personnage inconnu et les choix effectués en cours de jeux définissent sa personnalité), ce qui permet de profiter d’une histoire intéressante pour le protagoniste tout en laissant de la marge dans les choix des dialogues. Ce système prend les avantages des deux méthodes.

Mass Effect reprend le système d’alignement de KOTOR et Jade Empire, sauf qu’il passe par des dialogues bien plus cohérents et pas forcément manichéens. De mémoire, KOTOR m’avait énormément déçu à ce niveau puisque les réponses proposées qui faisaient passer du côté obscur ne correspondaient pas forcément à la philosophie des Siths, que l’on découvrait plus tard dans le jeu. Mass Effect propose deux grandes orientations, une orientée diplomatie, visant à résoudre les conflits sans violence quand c’est possible (Paragon) et une carrément agressive si votre sens de la négociation est calquée sur celui de Bruce Willis dans le Cinquième Elément (Renegade). Deux manières de résoudre les problèmes, et même si l’une est tout de même plus gentille que l’autre, les nuances apportés au manichéisme de KOTOR sont vraiment très appréciables. 

Aux commandes de Shephard, vous allez être propulsé dans une grande aventure spatiale, de type SF Space-Opera, avec de nombreux systèmes solaires à explorer. La première partie de l’aventure se déroule dans la grande ville de Citadel, un gigantesque complexe flottant dans l’espace, à la pointe de la technologie. Vous aurez de nombreuses quêtes à résoudre, qui permettent se familiariser en douceur avec le système de combat, le système de dialogue et le background du jeu. La durée de cette phase peut varier du simple ou double si vous décidez ou non de compléter toutes les quêtes secondaires. Elles sont variées et permettent d’apprendre de nombreuses informations sur la politique, les différentes factions et personnages. Cette première partie, très accrocheuse, donne un bon aperçu de Mass Effect. Ca s’enchaîne bien, ça avance vite, on prend des niveaux rapidement, on fait quelques combats, on résout quelques problèmes et zouh, on dispose du vaisseau pour accéder à la grande galaxie, l’aventure avec un grand A.

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L’univers SF, à défaut d’être original, est plutôt efficace. On retrouve de très nombreuses sources d’inspirations, comme Dune, Star Wars ou Babylon 5. On pourrait souligner tout de même le manque d’inspiration personnelle, mais l’univers et la trame générale sont travaillés avec une rare minutie, ce qui rattrape le manque d'innovation. On sent parfaitement les efforts fait par BioWare pour proposer un univers bien construit, cohérent, qui puisse servir de base à tout une trilogie. Cet effort se remarque jusque dans la description des planètes que l’on peut voir sur la carte de la galaxie, mais j’y reviendrais plus tard, quand je parlerais des faiblesses et des promesses non tenues de Mass Effect.

Les personnages bénéficient d’un traitement à la hauteur des espérances. Ils sont tous très bien travaillés, même au niveau visuel, grâce à un lipsync d’une qualité jamais vue, de nombreuses attitudes pendant les discussions et de leurs différentes répliques et dialogues. Les personnages semblent vivants derrière l’écran, ils sont tous bien développés, même les personnages secondaires, qui sont souvent des stéréotypes parfaitement identifiables en quelques répliques. A l’inverse, les personnages les plus importants du scénario et surtout ceux composant l’équipe, sont beaucoup plus complexes et la possibilité de discuter avec eux tout au long de l’aventure permet d’apprécier à sa juste valeur le remarquable travail d’écriture dont a bénéficié Mass Effect. Les dialogues sont vraiment bien écrits, et ça tombe bien car Mass Effect est un jeu très bavard dont une grande partie du plaisir passe par la narration. De ce point de vue, Mass Effect tient ses promesses et se révèle être une grande réussite. On pourrait regrette qu'un certain nombre de profil psychologique de personnages et de situations se retrouvent déjà dans KOTOR mais bon, tant que ça fonctionne...

En terme d’ergonomie et d’indications, Mass Effect s’en sort correctement, mettant à contribution sur le système de lock de KOTOR (sauf qu’on n’a plus la main sur ce dernier). La navigation est donc agréable dans l’ensemble. Les textes sont certainement minuscules pour ceux qui ne bénéficient pas d’un écran HD, il faudra s’approcher pour pouvoir lire correctement, un défaut d’autant plus gênant qu’il arrive parfois que les textes apparaissent sur fonds claires, il n’y a pas de bloc de texte dédié, ce qui rend parfois la lecture désagréable.

L’inventaire n’est pas forcément ce qui se fait de mieux en matière d’ergonomie et la mini-carte semble tout droit sorti d’un autre temps, avec uniquement quelques grossières indications. Par ailleurs, si la direction des quêtes n’est pas indiquée automatiquement, il est possible de noter un point sur la carte comme destination à atteindre. C’est intéressant mais il est tout de même dommage de constater ce genre de faiblesses à notre époque, car de nombreux jeux bénéficient de mini-cartes plus détaillées avec indications de la direction de la quête choisie.

Contrairement à KOTOR, qui n’était pas une franche réussite technique et graphique, Mass Effect en mets plein la vue. Les personnages sont superbes, notamment leurs visages, qui bénéficient d’un travail assez colossal, les environnements sont très travaillés et intéressants esthétiquement. Les excellentes compositions musicales aidant, on se retrouve rapidement immergé dans cet univers SF particulièrement travaillé. Tout semble très cohérent, le moindre élément est à sa place, les conflits politiques d’intérêts sont bien développés et intéressants. L’ambiance du jeu est terriblement accrocheuse et l’on se situe très largement au-dessus de ce qu’était KOTOR en son temps, aussi bien en terme technique qu’en terme artistique.

Passons maintenant aux deux problèmes techniques : le frame-rate épouvantable et les temps de chargement. Pour le frame-rate, c’est simple, Mass Effect est rarement fluide. Dès qu’il y a des effets complexes ou de nombreux personnages affichés, ça rame sévèrement, y compris dans les combats. Le jeu tourne régulièrement à 15/20 FPS, au gré des différents environnements, ce qui n’en fait pas un jeu fluide. Si les temps de chargement officiels (avec écran) sont tout à fait supportables, ils sont parfois masqués par des ascenseurs d’une lenteur extrême, notamment quand il s’agit de rentrer dans le vaisseau. Il est étonnant de voir la 360 morfler à ce point alors que le visuel est tout de même moins impressionnant qu’un BioShock, tournant lui aussi avec l’Unreal Engine 3.

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D’un point de vue ludique maintenant, Mass Effect cumule de gros points forts mais également de grosses faiblesses de gameplay et non des moindres. Le premier venu étant le système de combat, qui se veut un mélange de Gears of War pour le côté tir / cachette et de RPG, en prenant en compte les caractéristiques. Le résultat est peu convaincant. A part utiliser encore et encore toutes les compétences disponibles, il y a peu de subtilités (et encore, il faut rentrer dans le menu d’action pour voir les différents temps de recharge des compétences). D’autre part, l’IA des alliés est tellement catastrophique que toute stratégie est prohibée (ils tirent régulièrement devant des murs…), d’autant qu’on ne plus planifier plusieurs actions successives. Il faut tirer à vue, se soigner et les différentes stratégies de combat sont limitées au strict minimum. Le sentiment de confusion dans les combats est constant et l’absence totale de combat au corps à corps pourra en dérouter certain, surtout quand on sait que le combat corps à corps existait dans les précédents jeux de BioWare.

Les combats se résument souvent à utiliser dès que possibles des compétences de dégâts, à tirer comme un malade à se soigner si nécessaire. Ca ne va rarement plus loin que ça, on se situe vraiment loin de la richesse de la subtilités des systèmes de combat des RPG japonais, mais bon, cela fait dix ans que ça dure et finalement, ça ne pénalise pas trop le jeu. C’est tout de même jouable et amusant, on aurait juste espéré un système un peu plus intéressant en terme de mécanique ludique. Quoiqu’il en soit, BioWare n’a jamais été un grand spécialiste des systèmes de combat et ce n’est pas Mass Effect qui démontrera le contraire. Dommage, surtout qu’entre temps, Final Fantasy XII est sorti et dispose d’un système de combat largement supérieur, en temps réel lui aussi, avec un contrôle totale de l’IA des alliés.

Autre point important, l’exploration des planètes se fait par l’intermédiaire d’un véhicule, qui permet de se déplacer et de combattre. Malheureusement, ces phases sont peu jouables et peu intéressantes ludiquement. Les combats se révèlent rapidement laborieux, le viseur étant peu visible, et il faut impérativement zoomer sous peine de se retrouver avec une précision catastrophique. De plus, contrairement à de nombreux jeux, le véhicule ne passe pas en transparence quand il se trouve entre la caméra et le viseur, ce qui crée des problèmes de lisibilité. Ajoutez à cela des planètes désespérément vide où l’on passe un certain temps à se balader sans pour pas grand-chose et vous obtenez des phases de jeux longues et pas forcément réjouissantes.

Aussi bien dans les combats à pied que dans les combats en véhicules, il arrive que l’on subisse des morts particulièrement expéditives, que l’on ne comprend pas, et donc frustrantes. Il m’est arrivé de me faire arracher la tronche par un monstre d’une phase d’exploration qui tue en un coup, quoiqu’il arrive, ou d’affronter plusieurs drones qui envoient des missiles qui tuent également en 1 coup (en étant Soldat, avec 400 HP, une bonne armure, le Max en caractéristique d’armure, et trois unités de bouclier). De quoi laisser perplexe. Globalement, la difficulté n’est pas forcément bien dosée. J’ai eu peu de difficultés réelles dans les combats, malgré des alliés débiles, hormis ces quelques morts instantanées. Heureusement, la plupart des boss se traduisent par des affrontements assez différents des autres, ce qui rattrape un peu l’affaire.

Autre point polémique dont je vous laisserais seuls juges, le jeu regorge de Quick Time Event (QTE) à la Shen Mue pour effectuer des actions comme ouvrir des coffres verrouillés ou miner. Outre le manque d’inspiration évident à ce niveau, on ne peut pas dire que cela se révèle particulièrement intéressant. Heureusement, c’est tout de même moins lourd que les phases de mini-jeu de BioShock. C’est juste que ça sent un peu la solution artificielle pour rajouter des actions parce qu’il n’y a pas grand d’autres à faire quand on explore. A vous de voir, cela ne m'a pas dérangé mais je sens bien la solution de facilité.

Malgré le gigantisme annoncé sur la carte, la taille des zones explorables et l’espace de jeu est finalement assez restreint. Ainsi, on se retrouve à pouvoir explorer (comprenez : lire des descriptions) des dizaines de systèmes avec une seule planète réellement explorable, souvent peu intéressante. Au final, il faut suivre la trame principale pour explorer des planètes avec un contenu réel, mais les zones de jeu demeurent cantonnés à des couloirs (contrairement aux grandes plaines de KOTOR qui me semblaient déjà bien petites pour des planètes), et elles sont peu nombreuses (comptez cinq "vraies" planètes) et ne disposent que de quelques quêtes annexes, sans comparaison possible avec la première planète du jeu.

Ca fait d’autant plus mal que l’on nous annonce un jeu absolument gigantesque alors que le contenu réel est encore plus réduit que KOTOR et largement plus étroit qu’un Final Fantasy XII. Heureusement, cette petite quantité est de très bonne qualité, la trame est passionnante et l’on avance avec un plaisir non dissimulé. On aurait juste pu attendre un peu plus de planètes de grande qualité, car la durée de vie de Mass Effect est tout de même bien courte pour un jeu de ce type. N'imaginez pas y passer 100h pour tout compléter comme dans un Final Fantasy XII, un Dragon Quest VIII ou un Persona 3. Je dirais qu'il faut 10/15h de jeu en ligne droite et 40h pour tout compléter. Néanmoins, ce sont des heures de réel plaisir, pour peu que l'on soit sensible aux arguments narratifs du jeu.

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Le système d’expérience offre des micro-récompenses en permanence, que ce soit en lisant des informations dans le décor, en combattant des ennemis, en discutant avec des personnages ou en remplissant des quêtes. C’est quand même bien sympa de pouvoir gagner un niveau après une discussion avec un personnage. Surtout, ça donne un minimum d’attraits aux aspects du jeu très travaillés comme les dialogues. Toujours au rang des idées intéressantes, l’XP est commune pour tous les personnages du groupe, ce qui fait que l’on n’a pas besoin de faire du leveling. D’ailleurs, cela correspond parfaitement à l’optique du jeu (les monstres tués ne réapparaissent pas), qui se veut avant tout un jeu narratif. D'ailleurs, à signaler que l'on prend des niveaux régulièrement (un bon point) et que l'on peut se spécialiser une fois une quête effectuée, ce qui permet de bénéficier de nouvelles caractéristiques (encore un bon point).

La gestion de l’inventaire est un peu lourde parfois mais on peut récupérer pas moins de 150 objets, on peut recycler les objets en trop, bref, il y a de la marge confortable à ce niveau. Le nombre d’objets est conséquent, avec différentes versions d’une même arme selon le niveau du joueur et le système d’upgrade permet de bénéficier de bonus. Comme souvent, il n’est pas aisé de comprendre exactement comment les bonus sont pris en compte, mais ça fait toujours plaisir. De plus, il n’est plus nécessaire d’aller ramasser les objets en tuant des monstres (les fameux loot), ils sont automatiquement mis dans l’inventaire, ce qui est un confort appréciable (et comme ils sont calqués sur le niveau du joueur, ils sont tous intéressants, au moins à la revente).

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Globalement, Mass Effect, c’est un peu tout ou rien. D’un côté, on dispose d’un superbe univers, particulièrement travaillé, de dialogues géniaux et d’une narration excellente où les choix que l’on fait peuvent avoir des répercussions, et de l’autre côté, on se retrouve avec des mécanismes ludiques qui posent des problèmes pas si anodins. Pourtant, le jeu reste malgré tout très accrocheur, j’ai passé de longues heures dans le but de découvrir l’univers, de compléter toutes les quêtes annexes et surtout, je faisais des sessions de jeu assez longues (dur d’arrêter la console une fois le jeu lancé). Mass Effect est accrocheur comme un grand jeu, on gobe une quantité phénoménale de textes et d’informations qui sont toujours intéressantes, ce qui relève de l’exploit. Malheureusement, les plus grandes qualités cohabitent avec de nombreux petits défauts qui, mis bout à bout, pénalisent la qualité de Mass Effect.

Mass Effect est sans conteste la Roll’s des RPG narratif, mais avec des mécanismes ludiques qui lui portent parfois préjudice, sans jamais remettre complètement en cause les qualités fondamentales de l'expérience de jeu. Mass Effect est une remarquable expérience de jeu, mais certainement pas un jeu remarquablement bien conçus. Si j’avais à lui décerner une note, ce serait certainement un bon 7 ou 8, avec la mention « Très bon jeu, mais embauchez un peu plus de game designers et un peu moins de scénarios / dialoguistes / world designers. Mais un très bon jeu quand même ! »

Espérons que BioWare peaufine sa formule pour les volets suivants car si je n’ai aucun doute concernant la qualité du travail de création et d’écriture, les défauts soulignés dans ce premier volet vont nettement plus pénaliser la suite, s’ils sont encore présents, car l’effet de surprise sera largement passé. On a envie d’être indulgent avec Mass Effect tant ses qualités premièressont éclatantes, mais il faudra que BioWare prenne sérieusement en compte les critiques qui lui sont faites pour le volet suivant. En attendant, on tient un très bon RPG, pas exempts de défauts, mais qui est tout de même trop accrocheur et intéressant pour que l’on puisse passer à côté. Probablement l’une des meilleurs expériences sur Xbox360.

19 novembre 2007

BioShock de Irrational Games (2007)

Parmi les jeux importants de cette année 2007, BioShock fait certainement parti des plus mémorables, salué par la critique avec un enthousiasme rarement égalé. J’avais commencé l’aventure avec la démo et j’avais été immédiatement conquis par l’esthétisme et les possibilités offertes par le gameplay. Cette première rencontre m’avait convaincu du potentiel du titre et c’est avec enthousiasme que je me suis rué sur la version complète, préférant le PC à la Xbox360 pour des questions de confort (bien que je ne fasse parti des tireurs d’élite à la souris). Petit voyage au milieu d’un univers pas comme les autres pour une grosse critique, parce que j'avais beaucoup de choses à dire sur ce jeu.

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BioShock est un FPS dont la particularité est de se dérouler dans une étonnante cité sous-marine, Rapture, créée en pleine période de guerre froide pour accueillir toutes sortes d’artistes rêvant de concrétiser leurs rêves dans une ville hors de toutes atteintes politiques. Rappelant parfois Jules Verne, cette incroyable cité fantastique est un émerveillement pour les yeux, avec une esthétique art-deco très branchée qui offre une véritable bouffée d’air frais aux univers en manque d’inspiration du monde du jeu vidéo. A ce titre BioShock est visuellement unique et pour une fois, plus qu’une simple démo technologique, on sent que la technique a été mise au service de la direction artistique pour obtenir un résultat sans précédent. BioShock est une claque visuelle, ça ne fait pas l’ombre d’un doute. J’espère qu’un titre de ce calibre va relancer un effet de mode pour les univers qui sortent de l’ordinaire, car il n’y a rien de tel qu’un émerveillement rendu possible par des artistes de talent. Au milieu des tonnes de jeux basés sur de l’Heroic Fantasy de base ou la seconde guerre, ça fait réellement plaisir.

L’aspect narratif n’est pas en reste, car même si vous ne croiserez que peu de personnages, vous êtes en contact permanent avec un allié et vous trouverez sur votre chemin de nombreux enregistrements qui vous permettent de comprendre la situation dans laquelle s’est retrouvée Rapture. Les thèmes politiques évoqués sont nombreux et le scénario plutôt intéressant avec des dialogues et des thèmes bien au-dessus de la moyenne de ce type de jeu. Cette manière de raconter est un peu artificielle, les véritables rencontres se comptent sur les doigts d’une seule main mais on peut très bien avancer dans le jeu sans lire ces enregistrements. D’un côté, j’imagine mal comment on pourrait refuser de s’immerger dans un jeu où de gros efforts ont été fait justement pour immerger le joueur dans un univers singulièrement différent de ce que nous propose en général le médium. Le scénario se montre pourtant assez confus, et j’avoue que je n’ai pas cherché à démêler le scénario. J’ai vaguement compris ce qui s’est passé, j’ai compris les thèmes philosophiques en jeu, mais c’est tout. Les dialogues retiennent plus l’attention que la trame générale.

Du côté du cœur du jeu, la première comparaison à laquelle on peut assimiler BioShock est son aîné, System Shock 2, des mêmes développeurs, dans une version simplifiée. On se retrouve avec un FPS au level design particulièrement travaillé qui offre des multiples possibilités pour surmonter les obstacles de votre périple. Les munitions ne sont pas illimitées et la capacité maximale des chargeurs étant rapidement atteinte, il faudra régulièrement se livrer à un brin d’exploration pour récupérer les très nombreuses munitions cachées un peu partout dans les niveaux, ainsi que les différentes trousses de soin et autres objets. C’est une manière un peu artificielle de forcer l’exploration mais c’est un aspect que j’ai apprécié, permettant de faire des pauses entre les combats et de rechercher avidement toutes les munitions et pièces de monnaies, qui permettent d’acheter des munitions et autres à des bornes de vente. La gestion des munitions amène une autre variation, par la possibilité de changer les munitions d’une arme, certaines étant plus pratiques contre les humanoïdes, contre les machines, etc… On peut être déçu si l'on prend BioShock comme un pur FPS, il vaut mieux se dire que l'on a en face de nous un bon jeu d'action / aventure avec un zest d'exploration. Si l’armement est plutôt conventionnel et efficace (pistolet, fusil à pompe, mitrailleuse...), les pouvoirs psy que l’on récupère au cours de l’aventure et la possibilité de hacker les instruments électroniques le sont nettement moins.

Ce sont les pouvoirs psy qui retiennent avant tout l’attention comme élément de fun central du jeu : on peut utiliser des flammes pour créer des explosions, de l’électricité, de la télékinesis pour déplacer les objets. Cela n’a rien de fondamentalement novateur en soi, mais c’est particulièrement bien intégré au reste du gameplay pour proposer une expérience un minimum rafraîchissante. Les combinaisons entre les armes et les pouvoirs psy sont particulièrement nombreuses et permettent de démolir avec un certain plaisir les hordes de monstres qui hantent désormais les ruines de Rapture. L’électricité permet d’assommer un ennemi quelques instants, le temps de lui coller une bonne boulette en pleine poire, le feu inflige des dégâts dans la durée, la télékinesis se révèle particulièrement puissante, puisqu’on peut utiliser tout ce qui nous passe sous la main pour faire un carnage dans les rangs adversaires (caisses, objets, et surtout bonbonnes de gaz), dans l’esprit du psycho-gun de Half Life 2. L’autre aspect intéressant et que l’environnement réagit à ces pouvoirs psy : vous avez une tripotée d’ennemis qui ont les pieds dans l’eau ? Une bonne décharge électrique permet de les calmer tous d’un coup sans perdre de munitions. Sachez que les armes, comme les pouvoirs psy, peuvent être améliorés mais que l’effet résultant n’est pas aussi important et flagrant que dans un Resident Evil 4 par exemple, ce qui est plutôt dommage.

L’autre aspect principal du gameplay réside dans le hacking, qui permet, via un petit jeu de réflexion, de retourner contre vos adversaires des caméras de surveillance, des tourelles ou même des bornes de soins. Et cela se révèle particulièrement fun ! On peut ainsi hacker une tourelle et attirer les ennemis pour qu’ils s’en prennent plein la tronche, puis manquant de vie, ils effectuent une retraite vers une borne de soin et hop, ils se font définitivement cramer le cerveau. En combinaison avec les différentes armes et pouvoirs psy, on obtient une pléthore de méthodes d’éradications des adversaires vraiment jouissives. L’aspect combat de BioShock est donc intéressant et constitue certainement le plus gros fort du titre, avec son ambiance esthétique. Attention, si cet aspect est amusant, il ne faut pas y avoir une quelconque révolution dans la manière de jouer, il suffit de se préparer quelques combinaisons et c’est parti. C’est amusant mais les armes et pouvoirs psy ne changent pas tant que ça la manière de jouer. C’est plus pour se faire plaisir que réellement important pour progresser.

Il n’en faut pas moins pour affronter certaines créatures de Rapture, les « Big Daddy » (ou Protecteur ou Monsieur P. dans la VF), qui accompagnent des fillettes qu’il faut récupérer, soi pour gagner de quoi acheter des pouvoirs psy, soi simplement pour les libérer. Un choix loin d’être autant intéressant que ce qu’on nous avait fait croire. Quoiqu’il en soit, les confrontations avec les Big Daddy sont particulièrement musclées, car ces grosses boîtes de conserve métalliques sont particulièrement puissantes et résistantes. Il est souvent nécessaire d’adopter une stratégie particulière pour les mettre à genou, contrairement à la majorité des ennemis qui tombent assez facilement. Pour ma part, j’utilisais énormément toutes les bonbonnes de gaz gentiment placés par les level designers, avant de finir à coup de lance-grenade, de fusils à pompe ou des balles perçantes. Les confrontations avec les Big Daddy sont de petits climax, qui exigent préparation.

Les situations proposées dans BioShock pour renouveler le gameplay sont variées comme il se doit pour se type de jeu. Peut-être un peu moins variées que chez les meilleurs du genre, mais suffisamment pour renouveler l’intérêt du joueur : attaque frontale, piégeage, exploration, recherche, protection, la routine habituelle, avec en plus un passage en temps limité (les guêpes) parmi les nombreuses réjouissances. Encore une fois, l’immense travail de level design fait plaisir à voir car on dispose toujours de plusieurs possibilités pour affronter un obstacle, soi par le biais de l’armement, soi pas le biais de l’environnement. Ajoutez à cela de nombreuses situations et un aspect exploration particulièrement appréciable pour obtenir un superbe cocktail de level design intelligent et efficace.

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Après les forces, il est temps de passer aux déceptions. Au niveau de l’armement, tous les pouvoirs ne sont pas aussi utiles les uns et que les autres et certaines combinaisons ont tendance à être vraiment trop puissantes. Ensuite, étant donné que l’on peut accumuler les emplacements pour les armes et pouvoirs psy, il est difficile être spontané dans les batailles, car justement, les combinaisons entre les deux sont nombreuses et il n’y a pas de macro pour changer d’une combinaison à l’autre rapidement. Résultat, on prend ce qui est le plus efficace « en générale » et l’on se tient à sa petite combinaison. On a rapidement tendance à s’emmêler les pinceaux et devient difficile de réagir spontanément à une situation tant les possibilités sont nombreuses, si bien que je me surprenais à retourner souvent me cacher à changer de stratégie en plein combat.

Autre bémol, malgré la présence des Big Daddy, le bestiaire manque énormément de variété. Il y a bien quelques ennemis différents, plus ou moins sensibles à certaines armes, mais c’est loin d’être aussi étoffé que ce que l’on pourrait escompter d’un titre de cette envergure. Résultat, on affronte bien souvent les mêmes monstres, qui deviennent de plus en plus résistants, et c’est tout… Le minimum syndical en terme de variété d’ennemis et de comportement permettant d’éviter une lassitude trop rapide, est loin d'être atteint. Les ennemis se décomposent en trois catégories : les "Slicers", les Big Daddy et les mécaniques. On croise plusieurs types de slicers, les normaux, les grimpeurs, les lanceurs mais c’est très insuffisant, car on en affronte des tonnes et des tonnes. La lassitude s’installe rapidement et le bestiaire constitue certainement le gros point faible de BioShock, car il ne met pas suffisamment en valeur le gameplay des combinaisons.

On peut le voir de cette manière, ou alors se dire que finalement, le gameplay a ses limites et que les armes et les pouvoirs psy ne sont pas assez différents pour renouveler l’intérêt du jeu. Une question qui joue énormément dans l’appréciation que l’on peut faire de BioShock. Si l’électricité et la télékinesis sont des must-have, l’intérêt des autres pouvoirs est largement moins évident. Si les premiers Big Daddy sont intéressants, c’est le même syndrome, une stratégie efficace au début est une stratégie efficace pour toujours. D’ailleurs, l’arme la plus efficace que j’ai trouvé consiste à utiliser la télékinesis sur une carcasse de Big Daddy : ça protège des balles et ça fait très très mal aux ennemis une fois projeté à vitesse grand V. Amusant, mais du moment où j’ai trouvé cette combinaison, j’en ai usé et abusé pendant le dernier quart du jeu.

C’est peut être ce qui fait que BioShock s’essouffle un peu vite. A un moment du jeu, vers la fin, j’ai sérieusement commencé à m’ennuyer et j’avançais simplement pour en voir le bout. Je sentais que ça traînait en longueur. La structure aurait gagné à être plus dense, un peu moins étirée, en misant plus sur les passages forts et situations différentes, aspect où BioShock ne rivalise malheureusement pas avec des ténors du genre comme Half Life.

Ensuite, si le hacking se révèle amusant les premières fois, il devient rapidement gavant tant le nombre d’objet à hacker est impressionnant alors que l’intérêt du mini-jeu ne se renouvelle pas. Heureusement, il existe de modules permettant de hacker automatiquement mais je me surprenais à les utiliser pour m’éviter la « corvée » du hacking. C’est qu’il y a un problème à ce niveau, d’autant que la procédure de hacking met le jeu en pause. Du coup, on peut entrer dans une salle pleine de monstre, désactiver la tourelle avec l’électricité, la hacker et faire chemin adverse en attendant que la salle soit nettoyée. Je pense qu’une arme spéciale hacking en temps réel de courte portée, exigeant une courte durée, aurait été préférable. Avec de petits accès dissimulés pour atteindre la tourelle sans attirer l’attention, ça aurait été vraiment sympa. Globalement, de toute manière, le hacking est à revoir.

A un moment du jeu, on met la main sur un appareil photo permettant d’analyser les ennemis et de trouver des faiblesses. Le seul problème, c’est que ce gameplay est rapidement chiant et que le jeu ne s’y prête pas. Dans un jeu comme BioShock, on a envie de casser du monstre avec classe, pas de se jouer Stealth et de mitrailler les clichés façon Project Zero / Fatal Frame. Cette phase de photo se révèle donc ennuyeuse et on n’a qu’une chose en tête, passer à la suite. Le problème est que pour se faciliter la progression, il faut mieux réaliser ces clichés…

Enfin, l’élément le plus polémiqué est la présence des Vita-Chambre, qui permettent de revenir à la vie. Toujours. Le challenge s’en ressent crucialement mais c’est une approche Casual Gamer qui est compréhensible de nos jours. A la limite, je préfère n’utiliser que les Quick Save. Quoiqu’il en soit, leur présence réduit largement le challenge du jeu et par la même occasion, la satisfaction du joueur à avancer. Entre ça et les munitions illimités, on se demande parfois si certains choix ne se révèlent pas douteux. Pourquoi obliger la gestion des munitions avec des chargeurs si limités puisqu’on trouve des munitions à foison et qu’on peut même les acheter ? D’ailleurs pourquoi passer son temps à chercher des munitions, puisqu’on peut les acheter ? La gestion dans BioShock est un peu trop présente pour être honnête et témoigne d’un aspect de conception mal assumé.

Certains jeux comme Gears of War se concentrent sur l’action et l’aspect gestion est plutôt facilité (peu d’armes portables, beaucoup de munitions). A l’inverse, d’autres jeux comme Resident Evil exigent une gestion plus rigoureuse des munitions, mais toujours bien calibrée. Ici, on a l’impression que les concepteurs ont voulu être large, mais sans trop l’être non plus, pour forcer l’exploration, dont le jeu a de toute manière besoin, étant donné la faiblesse de renouvellement des combats. Il y a quelque chose de pourri au royaume de Rapture, et j’en soupçonne beaucoup de s’être ébahis sur la réalisation exceptionnel, l’esthétique unique et l’ambiance, sans avoir regardé exactement ce qu’il y avait sous la croûte. C’est franchement dommage car il en ressort un jeu avec des tonnes de possibilités dont j’ai eu l’impression d’en utiliser environ 10%, à moins de vouloir me faire plaisir. Et ces 10% d’efficacité, couplée à un bestiaire faiblard, laissent une impression de répétitivité qui entache sérieusement le gameplay du jeu.

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BioShock est un très bon jeu, une expérience qui vaut la peine d’être vécu. Maintenant, ne vous attendez pas à quelque chose de révolutionnaire ou sans la moindre faiblesse. C’est un jeu très au-dessus de la moyenne, dont les principales forces sont une esthétique branchée à la réalisation somptueuse, les possibilités offertes par le gameplay et son excellent level design. Le problème est que la presse nous l’a vendu comme le messie, le Game Of The Year par excellence et qu’au-delà de ses forces bien réelles, BioShock ne se montre pas toujours à la hauteur de ce que l’on peut attendre d’un jeu si prestigieux.

Pour ma part, j’ai aimé les combats un temps, avant qu’ils ne deviennent lassants, j’ai aimé le hacking, avant qu’il ne devienne répétitif mais j’ai surtout aimé me balader dans cet univers sublime et explorer les moindres petits trucs cachés qui eux, font réellement, plaisir. Je ne peux qu’être largement positif concernant BioShock, mais avec de nombreuses réserves qui sont loin d’être mineurs, malheureusement. C’est là que BioShock me pose un vrai dilemme. J’ai adoré y jouer, j’ai aimé de nombreux passages, je m’en souviendrais longtemps, mais avec un peu de recul, je me rends compte qu’il y avait beaucoup de poudre aux yeux, malgré un travail de conception solide. J'ai réellement adoré ce jeu, sans conteste l'un des meilleurs jeux de l'année, mais il est la preuve qu'un enthousiasme général à tendance à être aveugle aux quelques défauts, qui sont pourtant loin d'être négligeables.

16 novembre 2007

A la croisée des mondes de Philip Pullman (1991-2000)

Après le cycle des princes d’Ambre, je me suis attaqué à un autre gros morceau de la fantasy, plus récent de celui-là, avec la saga « A la croisée des Mondes » (His Dark Material en anglais) de Philip Pullman. Je voulais lire les bouquins avant de voir les adaptations cinématographiques, dont le premier film sort en décembre en France d'ailleurs. A la croisée des Mondes se décompose en trois livres : Les Royaumes du Nord (1991), La Tour des Anges (1997) et Le Miroir d’Ambre (2000).

Cette trilogie narre les aventures de la petite Lyra Belacqua, une jeune fille au tempérament plutôt sulfureux et espiègle dans un univers un peu particulier, où tous les êtres humains sont affublés de Daemons (prononcez démons), des créatures qui sont leurs intimement liés et qui peuvent changer d’apparence à volonté, du moins avant le passage à l’âge adulte. Dans ce monde, à la fois proche du notre et différent, comme s’il s’était développé différemment, les recherches expérimentales parlent de la Poussière, sorte de particules d’une nature inconnue et met en scène de nombreux peuples dont les destins finiront par se lier, autour de la petite Lyra.

Les_Royaumes_du_Nord

Le premier tome, Les Royaumes du Nord, permet de faire la connaissance de Lyra et de sa vie au collège d’Oxford, qui sera bouleversée le jour où elle assistera par « accident » à une réunion privée. Dès lors, sa vie s’en trouvera bousculée et son destin, hors du commun, finira par l’amener à la rencontre de toutes sortes de personnages : des gitans naviguant sur les canaux, des sorcières et même la tribu des Panserbjørnes, des ours polaires géants, redoutables et fiers guerriers à la puissance dévastatrice, capables d’anéantir des dizaines d’hommes sans aucune difficulté. Ce premier volume raconte en bonne partie les aventures de Lyra au collège et permet de découvrir et de s’attacher à cette petite fille particulièrement rusée qui possède un énorme pouvoir, celui de pouvoir mentir comme elle respire. Si j’en parle de cette manière, c’est parce que la capacité de Lyra à mentir lui permettra souvent d’obtenir ce qu’elle veut, de se sortir de situations périlleuses et même de renverser carrément des royaumes. Lyra est une véritable petite peste à laquelle on s’attache incroyablement vite.

Evidemment, ce n'est pas la seule particularité de Lyra, puisqu'elle est capable de déchiffrer instinctivement une machine à symbole particulièrement complexe qui lui dictera souvent la marche à suivre (et qui constitue la trouvaille narrative la plus intéressante de la série, tant ce petit instrument permettra de guider les personnages et d'apprendre des renseignements essentiels).

La suite du bouquin l’amènera à effectuer un voyage pour le moins extraordinaire, à la poursuite de ses amis enlevés par un étrange groupe, qui permettra de découvrir de nouveaux personnages et de nouveaux concepts. Qui est l’énigmatique Lord Asriel, quel est son plan si monumental ? Qu’est réellement la Poussière ? Existe-il différents mondes reliés entre eux ? De nombreuses questions qui resteront en suspens à la fin de ce bouquin, pour mieux se dévoiler progressivement dans les autres livres. Un peu long tout de même, ce premier tome est surtout une grosse mise en place où le moindre élément aura un rôle à jouer par la suite.

La_tour_des_anges

Le second livre, La tour des anges, poursuit naturellement l’aventure de Lyra qui se trouve plongée dans un monde très différent de celui qu’elle connaît, appelé Cittàgazze. Elle y fait la connaissance de Will, un jeune garçon à problèmes et ils essayeront ensemble de se sortir ces situations un peu désespérées. Au fil des pages, Will deviendra le complice inséparable de Lyra et ils vivront ensemble l’essentiel de leurs aventures, toujours aussi extraordinaires. De nouvelles rencontres, de nouveaux concepts, dont notamment un couteau particulièrement puissant, le Poignard Subtil, fabriqué à la Tour des Anges, l'édifice principal de Cittàgazze. Les personnages sont approfondis et l'on découvre de nouvelles révélations concernant les parents de Lyra et ceux de Will. Les questions essentielles trouveront quelques réponses, mais de nombreux mystères restent encore à éclaircir. Des objectifs sont atteints, et immédiatement, d’autres se profilent à un horizon particulièrement agité. Lyra et Will ignore encore tout de leur rôle dans le terrible conflit à venir.

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La troisième livre, Le Miroir d'Ambre (non, rien à voir avec l'Ambre de Zelazny) vient clore magistralement la trilogie. D’un volume conséquent (plus gros que les deux premiers livres), ce volume permet de découvrir de nouvelles facettes des personnages et de les mener vers leur ultime chemin, qui changera à jamais la face du monde. Les forces en jeu et les événements sont pour le moins apocalyptique et le sort du monde repose parfois sur les épaules de personnages que l’on n’attendait pas. A chaque moment du récit, tout peut basculer d’un camp ou de l’autre et les épreuves qu’auront à endurer Lyra et Will seront les plus difficiles. La tension est à son comble dans ce volume et c'est avec un grand plaisir que la résolution finale prend son temps, contrairement aux Seigneurs des Anneaux dont le conflit s'achève de manière un peu brutale. Ici, c'est avec plaisir que l'on avance dans les cent dernières pages, qui expliquent les événements sans jamais brusquer et expédier les résolutions. A chaque nouveau chapitre, il y a de nouveaux rebondissements finaux, si bien que la fin est un plaisir à lire, même s'il est plutôt triste. J'insiste vraiment sur la fin car elle est particulièrement bien racontée et à chaque fois que l'on pense que les protagonistes sont sauvés, ils sont rattrapés par certaines réalités qu'ils avaient sous-estimées.

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A la croisée des mondes est une fantastique aventure, à mi-chemin entre la littérature pour enfant et la Fantasy. A l’instar d’Harry Potter, l’aventure de Lyra commence plutôt gaiement pour devenir de plus en plus sombre, avec en toile de fond une lutte sans merci contre la religion chrétienne, qui en prendra pour son grade plus d’une fois. Les moments de surprises s’enchaînent à des moments de tristesses, avec des séparations, des morts tragiques et une marche inéluctable vers le destin pour ces deux enfants, qui ignorent tout de ce que l’on attend d’eux, et qui vont jouer un rôle capitale dans la grande entreprise de Lord Asriel et dans l’Histoire de l’humanité. A la Croisée des mondes est une grande réussite en terme d’univers et d’aventure qui se montre parfois cruel, tant les aventures que vivent ses deux principaux protagonistes sont déchirantes. Heureusement, ils seront souvent aidés par de fidèles alliés sur lesquelles ils peuvent compter, malheureusement, l’ampleur de leur adversaire à de quoi refroidir bien des ardeurs.

L'univers cohérent et fascinant, tout en explorant de nombreux thèmes bien plus adultes que ce que les premières aventures de Lyra pouvaient laisser entrevoir. Les personnages ont tous des caractères bien affirmés, tel que le très charismatique Lord Asriel, la cruelle Ms. Coulter ou le terrible Iorek Byrnison. Il est même étonnant de voir à quel point certains personnages ont pu évoluer et changer entre le début du récit et son terme. A la croisée des mondes est donc une bonne lecture, inventive, subversive et remarquablement bien raconté, avec toujours un état d’esprit fantastique.

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Il ne reste plus qu’à aller voir le film, qui dispose d’un casting de luxe (Daniel Craig en Lord Asriel, Nicole Kidman en Miss Coutler, Eva Green en Serafina Pekala), en espérant qu’il soit fidèle au livre et respecte son attitude critique envers la religion. En tout cas, le casting est juste excellent, c'est incroyable comme les acteurs sont proches des images que l'on peut se faire dans le bouquin, ce qui est déjà un bon début.

PS : L'univers développé par Philip Pullman est vraiment fascinant et il m'est arrivé de retrouver des similitudes en terme d'idées avec d'autres oeuvres que j'ai pu parcourir. La plus frappante, et pourtant très improbable, concerne le couteau de Will, une arme dont il est dit qu'elle pourrait détruire n'importe quoi, Dieu y compris. Dans le jeu Planescape : Torment, où l'on incarne un personnage immortel, l'un des moyens de terminer le jeu en se tuant pouvait être accomplis grâce à un couteau, dont le pouvoir pouvait détruire n'importe quoi, même un immortel. Je ne pense pas qu'il y ait eu inspiration d'un côté ou de l'autre, mais il est toujours amusant de constater des idées similaires dans des oeuvres pourtant très différentes.

16 novembre 2007

Le cycle des princes d'Ambre de Roger Zelazny (1970-1991)

J’ai découvert il y a quelque temps le cycle des Princes d’Ambre, bien connu des amateurs de fantasy / SF. Il s’agit de l’œuvre principale de Roger Zelazny, qui se compose de neuf tomes déclinés en deux cycles qui se suivent chronologiquement : le cycle de Corwin (dont la parution s'est étalée de 1970 à 1978) et le cycle de Merlin (de 1985 à 1991).

Le premier cycle narre les aventures de Corwin, l’un des neufs princes d’Ambre, une légendaire cité dont les autres univers ne sont que reflets appelés Ombres, dirigée par la famille royale aux facultés qui dépassent en tout point les caractéristiques traditionnelles des êtres humains. Le problème est que ces pouvoirs génèrent des ambitions sans limites et que les luttes de pouvoir, complots et luttes fratricides sont monnaie courante en Ambre et que la ruse et la traitrise font partis des traits familiaux.

Les_neufs_princes_d_Ambre

Au début de cette grande épopée, dans le premier tome, Les Neufs Princes d'Ambre, Corwin se retrouve coincé dans une ombre, qui correspond à notre monde et qu'il apprécie particulièrement. Il se trouve dans un asile psychiatrique, et amnésique par-dessus le marché, ignorant son nom, sa lignée et bien entendu les causes de son internat. Il va progressivement retrouver ses esprits et se sortir de situations désespérées et surtout étranges, les lois régissant le monde d’Ambre n’étaient pas forcément communes. En témoignent les rencontres avec ses frères et soeurs qui donnent souvent lieu à des situations pour le moins extraordinaires, comme un fameux voyage en voiture en compagnie de Random, l'un des frères de Corwin.

Pour évoquer la situation politique générale, le roi Obéron, seigneur d’Ambre, est disparu depuis plusieurs années et il a laissé neuf successeurs potentiels dont les questions de légitimité pourraient faire l’objet de querelles juridiques infinis, étant donné qu’ils sont les fruits de nombreuses unions dans différents mondes où le temps ne s’écoule pas toujours à la même vitesse. Autant dire, que c’est le merdier le plus complet.

Au fil des pages et des volumes, on rencontre de nombreux personnages, on découvre le monde d’Ambre et ses implications, et surtout, on découvre les nombreuses facettes de Corwin, qui fait parti de la trempe des grands anti-héros, comme Elric de Melniboné de Michael Moorcock. Pire que ça, Corwin est cynique, parfois antipathique mais c’est aventure un immense plaisir que l’on poursuit ses pérégrinations, car le personnage est particulièrement attachant. Il faut dire qu’en étant dans sa tête lors de la plupart des évènements, ses réflexions et états d’âmes cyniques ne manquent pas de faire sourire.

La trame se tisse plutôt lentement, la première partie du premier tome est absolument excellente : on se retrouve dans la tête de Corwin qui use de toutes les subtilités possibles pour en apprendre plus sur sa situation et ses relations avec les autres, post-amnésie. Le tout est d’une rare subtilité et le terme de guerre psychologique n’est pas vain quand il s’agit des relations entre les princes et princesses d’Ambre. La seconde partie est complètement apocalyptique, sitôt remis sur pied, Corwin retrouve ses ambitions et il entraîne ses alliés comme ses ennemis dans ce qui pouvait constituer un climax, si ce n’était pas juste le début de la saga ! On découvre ainsi plusieurs princes et princesses d’Ambre, un vaste panel de personnalités toujours travaillées, mais possédant tous une certaine obsession du pouvoir et un goût fort prononcé pour les querelles et les assassinats familiaux.

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Le deuxième tome, Les Fusils d'Avalon est plus calme, place Corwin dans une situation particulièrement catastrophique, résultant de ses ambitions démesurées. A ce moment, la tension se relâche quelque peu mais bientôt, de nouveaux personnages vont apparaître, comme le tant redouté Benedict, l’un des princes et le maître d’arme d’Ambre, considéré comme le plus grand guerrier qui soit. Il faut dire qu’il y a eu des siècles pour analyser les plus grandes guerres de l’histoire, les rejouer en faisant subtilement variés les paramètres et mettre au point les plus grandes stratégies militaires. Benedict est un personnage que j’apprécie particulièrement, il parle peu mais quand il agit, il est entouré d’une aura de charisme qui fait franchement peur. Ce second tome apporter de nouveaux éléments, permet de développer les pouvoirs de la famille royale d'Ambre, notamment leur étonnante capacité à voyager à travers les ombres et leur parenté avec la Marelle, une puissante entité qui semble régir leurs pouvoirs.

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Mais l’apothéose de la saga parvient durant le troisième tome, Le Signe de Licorne, où toutes les trames sous-jacentes finissent par se joindre dans un gigantesque complot. La vérité éclate au grand jour et les implications en sont tellement nombreuses qu’elles mettront deux tomes à se résoudre, avec des retournements de situations assez fréquents qui donnent un rythme agréable à l'histoire. Le monde d'Ambre est tellement complexe que l'on sent le besoin de l'auteur de distiller les informations très progressivement.

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Le ton change une nouvelle fois dans le quatrième tome, La Main d'Obéron, qui place Corwin dans des situations qu'il n'avait pas forcément connue jusque là. Il va evidemment se retrouver au coeur des nouvelles préoccupations des ambriens et les mystères ne cessent de s'épaissir. Le cycle de Corwin est bouclé avec le cinquième tome, Les Cours du Chaos, l'épopée finale de Corwin qui changera à jamais l'équilibre des forces et les règles régissant Ambre.

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Ainsi se conlut la grande aventure de Corwin et laisse place à un second cycle, qui se situe quelques années plus tard. Je vais peu parler de cette seconde partie car je l'apprécie nettement moins, elle est bien plus dispensable que le premier cycle. Merlin est sympathique à sa manière, il a hérité du caractère cynique de son père, mais la manière dont s’articule ses aventures est nettement plus chaotique, un peu moins bien menée et surtout tellement les forces en jeu sont tellement démesurées qu’on se demande parfois jusqu'où tout cela va mener.

Merlin est un magicien, il est particulièrement puissant et ses adversaires le sont encore plus, si bien que l'histoire s'enroule dans une spirale infernal de montée en puissance, avec des forces quasiment divines qui entrent en jeu. Le récit perd de la subtilité pour gagner de la complexité et même si l’on apprécie de découvrir les événements qui se produisent après la grande aventure de Corwin, que l’on apprécie de revoir des personnages et d’en découvrir de nouveau, à aucun moment ce second cycle ne parvient au brio du premier. Je suis même arrivé à la fin sans ressortir d’émotions particulières, malgré quelques bons passages et des relations intéressantes.

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En résumé, le monde d’Ambre est absolument fascinant, aux frontières entre la Fantasy et la SF et fortement teintés de toutes sortes de récits historiques et mythologiques. L’histoire est passionnante et ce sont surtout les différents concepts et personnages qui font la force de ce cycle, ainsi que le charisme et la richesse des membres de la famille d'Ambre. On découvre toujours de nouvelles possibilités, de nouveaux talents aux Princes d’Ambre, décidemment pleins de ressources et pourtant, on sent la difficulté de Corwin dans toutes ses épreuves. Il s’en sort souvent par la ruse, au mépris de tout code d’honneur. Corwin est roublard, débrouillard et surtout cynique, trait de personnalité qui le rend vraiment attachant. J'ai particulièrement apprécie les nombreux aspects mythologiques, étant grand fan de mythologie nordique. Je regrette simplement que le second cycle ne soit pas à la hauteur du premier. Une lecture particulièrement recommandé, que l’on soit amateur de Fantasy ou pas d’ailleurs.

A noter que les déclinaisons de l'univers des princes d'Ambre ont été nombreuses, dont un jeu de rôle, auquel l'auteur lui-même a participé et dont l'une des particularités était de se jouer sans dès, ainsi que de nombreux romans annexes publiés après la mort de Zelazny par John Gregory Betancourt, inspiré par les notes laissées par Zelazny. Forcément, dans ce genre de situation, il n'y a pas de miracles, comme pour Dune, les oeuvres annexes sont loin d'être à la hauteur des oeuvres originales.

Malheureusement, aucune adaptation en jeu vidéo n'a vue le jour, ce qui est franchement dommage étant donné la richesse de cet univers et la possibilités des règles le régissant. Un peu comme la saga d'Elric, dont un épisode était prévu il fut un temps, chez Psygnosis pour la PSone, avant d'être annulé et de sombrer dans les oubliettes.

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